Ce que les plantes ont à nous dire by François Couplan

Ce que les plantes ont à nous dire by François Couplan

Auteur:François Couplan
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Les Liens qui libèrent
Publié: 2020-02-13T00:00:00+00:00


La croix, la hache et les kamis

La hache s’abat avec vigueur sur le tronc du chêne. Les copeaux volent. Et le geste recommence, inlassablement. Un autre bûcheron s’escrime à son tour. Au bout de plus d’une heure d’un travail intense, un grand craquement se fait entendre et le géant s’effondre. L’homme vêtu d’une longue robe de bure félicite les paysans aux mains calleuses, encore tout essoufflés de l’effort : « Grâce à vous, je vais pouvoir établir un monastère pour chanter les louanges de Dieu ! » Nous sommes en l’an de grâce 590 près de Luxeuil, au sud des Vosges. L’homme se nomme Colomban. Il est né en 543 dans le nord-ouest de l’Irlande et a débarqué avec douze compagnons sur le continent en 585 pour évangéliser l’Europe. Après diverses pérégrinations, il mourra dans le nord de l’Italie en 615. Plus tard, il sera canonisé. C’est un saint !

Bientôt des murs s’élèvent au cœur de la vaste forêt vosgienne, encore dense et majestueuse. Les conversions sont nombreuses et les vocations ne manquent pas : tout ce qui peut faire sortir de son état de serf est bon à prendre. Les moines suivent la règle du fondateur et cultivent la terre qu’ils ont défrichée. Ils soignent les malades et prêchent l’amour divin – mais ne manquent pas de mettre à contribution les locaux qui, au fil des ans, enrichiront l’abbaye. Ainsi les païens sont-ils rapidement christianisés, les terres défrichées et la contrée civilisée. La nature, mise sous coupe réglée, se montre productive et les détenteurs du pouvoir s’enrichissent grassement, avec la meilleure conscience du monde : au nom de Dieu tout-puissant !

Saint Colomban et ses compagnons font école et les « moines-défricheurs » deviennent d’importantes figures de l’histoire de notre continent, pourtant méconnues, qu’elles transforment profondément. Les forêts sont systématiquement coupées, tant pour créer d’immenses richesses par la culture des espaces « libérés » que pour détruire les domaines des dieux païens qui ne résisteront pas à ces assauts. Dès le XIe siècle, la plus grande partie des vastes étendues forestières qui couvraient l’Europe a été abattue et la population, qui s’est considérablement accrue, a embrassé la foi chrétienne. Les grandes épidémies, dont la peste du XIVe siècle, qui vit disparaître par endroits plus de la moitié du peuple, permettront un rapide retour de la forêt, mais bref : la natalité sera plus forte et bientôt, tout le terrain sera reconquis.

Quelques religieux, tel François d’Assise, au XIIIe siècle, qui part vivre ascétiquement dans la forêt et considère la nature sauvage comme l’œuvre de Dieu, s’inscrivent en faux contre cette tendance. Mais leurs voix sont noyées dans le concert exalté des exploiteurs et des prosélytes – on retrouvera au XXe siècle une vive critique de l’influence dévastatrice de la religion chez le théologien allemand Eugen Drewermann26 dans son livre Le Progrès meurtrier, dont le sous-titre est explicite : La destruction de la nature et de l’être humain à la lumière de l’héritage du christianisme. Par nécessité économique, certaines zones forestières sont conservées, mais, soumises à la sylviculture, elles perdront leur caractère « naturel ».



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