Cantique des plaines by Huston Nancy

Cantique des plaines by Huston Nancy

Auteur:Huston, Nancy [Huston, Nancy]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Franco / Canadienne
Éditeur: Jillerone - TAZ
Publié: 1993-03-21T23:00:00+00:00


Un jour vous étiez assis à la table de sa cuisine, vous ne parliez pas, vous ne faisiez que vous passer et repasser la pipe, fumer du tabac en silence tandis que le soleil redescendait son misérable arc d’hiver à trois heures et demie de l’après-midi, et tu l’aimas sans la toucher jusqu’à ce que l’obscurité fût complète. Dawn rentra de l’école, c’était une petite fille trapue de huit ou dix ans, aux cheveux épais et noirs comme ceux de sa mère mais à la peau nettement plus claire, elle te connaissait maintenant et ne manifestait en t’apercevant ni plaisir ni déplaisir, elle vint se blottir contre Miranda et lui dit J’ai faim maman, et Miranda se leva pour lui verser dans un bol des flocons d’avoine avec du sucre roux, son goûter préféré. Soudain, sans prévenir, alors que Dawn se lovait dans un coin du lit avec les chats et son bol de céréales, Miranda se mit à te raconter une des histoires qu’elle retenait en elle depuis de longues semaines. Tout le temps que dura son récit elle garda ta pipe à la main, scrutant les braises comme pour rallumer ses phrases au fur et à mesure.

C’était un alcoolique comme ton père à toi, sauf que c’est pas pareil parce que nos corps à nous sont différents des vôtres – ce qui vous fait tousser et renifler la moitié d’une semaine nous envoie dormir sous la terre à tout jamais, ce qui vous laisse les joues grêlées nous abat par centaines, ce qui vous grise et vous rend gais nous déclenche dans la tête un fracas épouvantable, ce qui vous aiguise la langue nous fait sortir le couteau pour nous égorger, nous-mêmes ou l’un l’autre. Mon père avait reçu en héritage le désespoir du grand chef Crowfoot : il était incapable de travailler, il ne voulait pas apprendre l’agriculture, la seule idée le rendait malade. Plus que tout il aimait ma mère – elle avait honte d’être une métisse mais son histoire ne faisait qu’attiser la colère de mon père. Et puis quand les petits ont commencé à naître, c’est lui qui a eu honte, il pleurait de voir ses mains vides devant leur bouche, et les enfants crevaient, Paddon, les uns après les autres. En 1910, les Blackfeet ont renoncé au tiers de leurs terres en échange de vivres permanents mais mes frères et sœurs crevaient quand même. Certains sont morts de faim et d’autres de la grippe, un des petits garçons est même mort de froid, je me souviens encore du bleu de ses lèvres et j’ai jamais pu me servir de ce bleu-là. Personne n’avait eu froid ou faim dans les vieilles maisons en peau mais on avait froid à la réserve, et la seule chose qui pouvait réchauffer mon père jusqu’à l’os c’était le whisky. Il a commencé à aller à Gleichen, c’était une ville chaude à l’époque, pour montrer aux cow-boys ses prouesses dans les jeux de pailles et de mains et de



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.