Bleubite (Les Matadors 1966) by Alphonse Boudard

Bleubite (Les Matadors 1966) by Alphonse Boudard

Auteur:Alphonse Boudard [Boudard, Alphonse]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Gallimard
Publié: 1975-05-28T22:00:00+00:00


5

Je tranche ici… chapitre cinquième… arbitraire peut-être, mais faut respecter les usages. Si ça vous la coupe, mille excuses ! Je vais encore vous faire attendre. Savoir s’il l’a dessoudée l’adjudant cette garde-barrière aux yeux de truie ? S’il s’est fini ou qu’est-ce ou quoi ? Je veux pas tout de suite vous affranchir… suspense oblige ! Et mon secret d’auteur alors ! Le roman toujours c’est une question d’attente en définitive. L’a-t-il tringlée l’héros son héroïne ? On se demande, on tourne fiévreux page après page ! De nos jours c’est devenu très souvent des passions homosexuelles mais ça revient au kif. On s’interroge alors en sus lequel se fera l’autre… l’encaldosse à la surprenante… Le général son beau sous-lieutenant ? Puis chou pour chou… vice versa… que ça vous corse un peu l’intrigue ! Bref, s’angoisser pour quelque chose d’essentiel. Le trou du cul certes c’est pas si mal… seulement la mort, l’assassinat, rien de comparable. L’irréversible outrage ! Volupté suprême. Quoi de plus beau qu’une gorge ouverte… scioc ! d’un seul coup de rasoir… le sang qui glougloute… xétera ? Le lecteur si pacifique pantoufleux bêlant rond-de-cuir soit-il, au raisiné l’instinct se réveille. Il lèche, lape littéral le texte. Vingt siècles civilisateurs abolis d’un pet. Grand-papa qui remonte en surface du Néanderthal. Les canines lui sortent à Dupont-la-joie. Il viole, vole, torture, déchiquette, meurtrit, tue allegretto. Il en oublie sa bobonne, ses notes de gaz, ses contributions directes…

Bon. L’hallali ! Tous au train on les a… Du mouron à se picorer ! Tous les pandores des environs en alerte… toute la jacquerie barricadée en ses fermes. Sans compter, je vous oubliais, les résistants. Là, le comble… que nous soyons partout signalés comme adeptes adhérents à la Milice. « Dangereux hitlériens… coupables de nombreux forfaits… capables de tout. » Ce qu’Herlier avait entendu à l’écouteur. De quoi, ça se comprend, paniquer à mort la gardienne maritorne du passage à niveau… nous la rendre tout à fait docile, tout à fait brebis ! Par quel maléfice étions-nous devenus brusquement étiquetés super-collabos, amis des S.S. ? Ça c’était le mystère et profond. Que s’était-il passé à Esperbart ? Le duc pourtant tout le monde connaissait ses opinions maréchalistes ! Qu’il ait demandé du secours contre trois malfrats chauffeurs d’arpions n’expliquait pas qu’on nous attache une telle casserole à la queue. Et Gustave le garagiste ! Baptiste le bistrot ! Eux pouvaient témoigner du contraire. Ils nous avaient bien vus, entendus, ils nous avaient encouragés… alors ? Sans doute avions-nous eu tort de nous carapater feu au derche à l’approche de la meute. Le pitaine avait peut-être raison de vouloir s’expliquer. Maintenant ça présente trop de risques. On peut se faire tirer dans un champ, un bois… comme des garennes… des petits lapins !

De la Milice… ceux qui ont vécu l’époque m’entraveront sans se foutre la migraine. Pas une sinécure pépère, milicien, la Libération toute fraîche. J’en avais vu, moi, des hommes à Damand se faire lyncher atroce à Paris… au mois d’août… Sous les Sherman écrabouillés aux applaudissements de la foule.



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