Bienvenue au motel des Pins perdus by Bivald Katarina

Auteur:Bivald, Katarina [Bivald, Katarina]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Editions Denoël
Publié: 2018-02-15T00:00:00+00:00

Un nouveau Ronald Reagan

Camila espère que l’enseigne marquera un nouveau départ. Pour elle, pour MacKenzie et pour le motel. Or, c’est bel et bien Derek qui semble être le moteur du plus grand changement.

Je traîne en ville pour faire passer le temps, pendant que les autres travaillent. Quand j’ai quitté le motel, Michael était installé au diner avec son ordinateur et son téléphone, absorbé par une conversation très technique avec un collègue de Colombie-Britannique, tandis que MacKenzie et Camila se tuaient à la tâche, comme toujours. Nouvelle enseigne ou non, il y a toujours des chambres à nettoyer.

Aussi, je me suis rendue en ville à pied et, en passant devant Sally’s Café, j’ai remarqué que la Cadillac de Bob Parker était garée là. C’est donc à cet endroit que je me trouve.

Pour un politicien local, Bob est plutôt populaire, même s’il est le premier à admettre qu’il s’agit d’un oxymore. Il est plutôt un genre d’institution. Les gens se plaignent de lui, mais jamais il ne leur viendrait à l’idée de le remplacer.

Bob accueille officieusement ses concitoyens au Sally’s Café, mais jamais à heure fixe. Si sa voiture est devant l’établissement, c’est qu’il est là. Dès lors, si vous avez une doléance, une proposition qui bénéficierait à la communauté, ou simplement envie de prendre un café et des biscuits, il suffit de pousser la porte.

Je me dis que ça pourrait être une façon de me divertir pendant une petite heure. Un peu comme quand je lisais le courrier des lecteurs de la Gazette.

Ce n’est pas le temps qui me fait défaut, en ce moment.

Cependant, je ne me suis toujours pas habituée au fait d’être devenue invisible. À peine entrée, je me sens perdue et observée. J’essaie même de réajuster mon chemisier, de me tenir droite et de faire semblant d’avoir une raison d’être ici.

Deux tables dépliables sont alignées contre un mur, couvertes chacune d’une nappe à carreaux rouges trop petite. Un large plat de donuts, des sandwichs dégoulinant de graisse et d’énormes thermos de café attendent les citoyens engagés ou les badauds affamés. Trois hommes sont assis sur des chaises, dos au mur avec une tasse de café, mais je ne parviens pas à déterminer ce qui les amène ici. Bob jette sans cesse des coups d’œil sur l’horloge, comme s’il attendait quelqu’un.

C’est alors que Derek fait son entrée.

Il a l’air tout aussi nerveux que moi, ce qui le rend infiniment plus sympathique à mes yeux. Lui non plus ne semble pas savoir ce qu’il fait là.

Bob vient directement à sa rencontre. Il l’accueille chaleureusement.

— Entre donc, Derek. Ravi que tu aies pu passer.

Les hommes près du mur lèvent le nez de leurs donuts et leur café. Derek les observe d’un air pensif, comme s’il essayait de se rappeler s’il leur a un jour vendu quelque chose.

Ils se révèlent bien vite avoir lu l’article de la Gazette : ils lui donnent des tapes dans le dos, lui serrent la main et évoquent avec enthousiasme ses anciens exploits et les chances de l’équipe actuelle.

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