Béru-Béru by Dard Frédéric

Béru-Béru by Dard Frédéric

Auteur:Dard, Frédéric [San-Antonio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman contemporain
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1970-09-30T23:00:00+00:00


1. J’écris monsieur m’sieu toujours pour la même raison : Touduku ne peut pas prononcer les « r ».

2. Dans ces cas-là, j’aurais plutôt tendance à croasser, mais comme on est sur la rive d’un marécage…

CHIPARTE CINQ

Y a que les Noirs qui sachent danser.

Les Blancs, sur une piste, sont ridicules. Des fois, je les observe et je me dis que je les préfère quand ils font l’amour ; ils ont l’air plus intelligents.

Les julots de ma patrouille, ils sont comme les poiscailles : dès qu’il se produit une quelconque alerte, ils se cassent, et puis reviennent dard-dard sur les lieux pour vérifier le ce dont il s’agissait. Les poissons pêchés, somme toute, l’ont été à cause de leur curiosité. S’ils étaient restés sur leur premier mouvement (qui est toujours le bon) Sa Sainteté le Pape serait obligée d’annuler le jeûne du vendredi, le carême et toutes ces fausses austérités commanditées par les marchands de merlans.

Apercevant Bérurier à califourchon sur son crocodile, sublime statue équestre crépie de fange, ils se mettent illico à lui gambader autour. Ensuite de quoi le tireur à l’arc (il était soudeur à l’arc chez Renault à ses débuts) loge une flèche sous l’aisselle gauche du saurien auquel Béru a fait lever la patte en lui faisant sentir l’un des lampadaires bordant la piste. L’exploit de mon pote confond nos amis kuwiens. Ils le prennent pour un gros Dieu cradingue, le Mastar. Ils lui implorent des grâces, le prient, le supplient, le célèbrent. Bref, c’est Lourdes !

Alexandre-Benoît reçoit ces témoignages de ferveur avec beaucoup de noblesse.

– Repos, les gars, décrète-t-il en virgulant un coup de pompe dans les gencives du plus fana pelotonné à ses pieds, vous me lichouillerez les nougats plus tard, faut qu’on récupère not’ monde derrière l’auparavant.

– Tu vas m’expliquer, commencé-je…

– Après ! Après… Y a plus pressé.

Vous savez, dès lors, ce que fait Béru, mes petites canailles ? Il met ses mains gluantes en porte-voix et lance un appel.

Jusque-là, rien que de très normal. C’est sa nature qui est confondante, étourdissante, et autre.

– Ho ho ! BERTHE !

Vous avez bien lu ? Je l’ai fait écrire en majuscules pour que ça vous pète à l’œil.

BERTHE.

Je me cramponne au bras musclé, sinon séculier de Troudrukru.

– Qu’entends-je ! je soupire, est-ce une illusion ? Un abus de mes sens ? Est-ce un mirage sonore, si j’ose ainsi m’exprimer ? Ou bien ta chute aurait-elle perturbé tes facultés, Béru ?

– Ho ! ho ! Berthe ! répète le Dodu d’une voix si puissante, si fracassante, si ample, si stentorellienne qu’aussitôt la forêt se tait, intimidée.

Les animaux ne mouftent plus ! Les branchages se figent.

Sur des kilomètres plus ou moins carrés, c’est la pétrification absolue, l’hermétisme, une sorte de vide angoissant.

Et brusquement, soudain, tout à coup (ceci pour vous montrer que je ne suis jamais à court de synonymes s’il m’arrive d’être à court d’argent) un rire hystéro éclate, tout proche, en provenance des hauteurs. Rire purement organique, mes amis. Un rire de femme chatouillée.

On s’empresse, la tête dressée jusqu’aux limites du torticolis.



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