Beau comme l'antique by Jacques Gaillard

Beau comme l'antique by Jacques Gaillard

Auteur:Jacques Gaillard
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-06-24T04:00:00+00:00


NERON

Il est à la mode de réhabiliter Néron. Cela se comprend : jamais aucun personnage n’a connu une réputation aussi parfaitement négative. Son spectre sanguinaire hante peut-être les dictateurs et roitelets de notre planète ; en tout cas, c’est ce que se plaît à penser l’opinion. Il serait pourtant difficile de se prendre pour Néron, tant l’image du monstre est complexe ; elle ne se réalise que comme rôle, et comme rôle de composition. Peter Ustinov dans le Quo vadis ? de Mervyn LeRoy : nuque grasse, fausset cruel, mou, fantasque, veule et voyeur. Toujours associé à des spectacles violents, Néron est avant tout un empereur spectaculaire. Sa personne a définitivement été transformée en personnage. Peut-être était-ce justement là ce que souhaitait Néron. Il se voulait artiste – ce fut son dernier mot. Si sa monstruosité est une idée reçue, il a tout fait pour qu’elle le fût ; l’écart entre vérité historique et caricature a-t-il, ici, encore un sens ?

Les monnaies nous montrent Néron sous deux visages. Au début de son règne, le portrait de l’empereur, qui n’a que dix-sept ans, souligne une beauté classique ; Suétone, qui est loin d’être tendre avec aucun des Césars, et surtout celui-ci, concède que “son visage avait de la beauté plutôt que de la grâce”. Les années passent : à partir de 60, voici un autre profil, alourdi par la bonne chère, amolli par la débauche, l’œil (sans doute myope) proéminent, le cheveu abondant, le cou bien gras. La physiognomonie y trouve son compte – six années de règne ont-elles à ce point révélé la luxure du personnage ? L’important n’est pas là. Néron règne sur ses monnaies comme sur le reste. L’idéalisation du portrait de l’empereur est de règle : cela se sent dans le premier profil, mais dans le second ? Néron semble y renoncer, ou veut donner de lui une image plus réaliste, vulgaire, en quelque sorte, préférant la force que confère l’épaisseur à l’admiration que suscite l’harmonie. À son avènement, Sénèque, flagorneur, salue en lui un Apollon ; Néron s’avoue, adulte, sous les traits d’un Dionysos empâté. En artiste, il veut plaire par son style propre.

Entre-temps, il a tué sa mère, et quelques autres : Octavie, gamine qu’il avait épousée gamin ; et aussi Britannicus, fils de Claude et de Messaline, rival potentiel qu’il se hâte d’éliminer. Ces victimes sont tragiques (on les sait jeunes, on les suppose innocentes, et Racine se charge même de dénicher une pathétique Junie, amante d’un Britannicus vieilli de deux ans…). Mais Agrippine ? C’est très ennuyeux ; un monstre en tue un autre, le crime est inqualifiable : incestueux ? politique ? les deux à la fois ? Inédit, en tout cas – la dynastie julio-claudienne étant, depuis Tibère, une affaire de famille au sens large, gauchie par les adoptions et tempérée par l’assassinat, on n’avait pas encore relevé de matricide. Le mot n’existe même pas en latin : Tacite écrit parricidium. L’hérédité est lourde pour tout le monde, dans cette tribu



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