Œuvres by Georges Hyvernaud

Œuvres by Georges Hyvernaud

Auteur:Georges Hyvernaud
La langue: fra
Format: epub


La p’tite Amélie

M’avait bien promis

Trois poils de son cul pour en faire un tapis.

Et cela se chante et se rechante en moi. La p’tite Amélie m’avait bien promis. Tous ces mots qui tournent et bourdonnent autour de moi. Qui entrent en moi. Ces mots comme des mouches qu’on ne parvient pas à chasser. La p’tite Amélie. La p’tite Amélie. Ça colle à vous. Ça revient toujours. Saleté, va. On est sans défense contre les mots. On les remâche, on les rabâche stupidement. Les mots de Baude, les mots de Peignade. Les mots de Chouvin. La p’tite Amélie. Les bordels où Ure se déculottait. Tout ça entre en moi et y prend toute la place. Pas moyen de se préserver. Nous sommes offerts, ouverts à tout venant. On pourrait nous écrire sur le crâne : Entrée libre, comme à la porte de ces magasins où le premier venu a le droit de tout tripoter, à pleines pattes. Il ne faut pas se gêner. Libre, on vous dit. Et il se trouvera des gens pour prétendre que ces années de captivité furent un temps de recueillement. Ce temps où l’on est livré aux autres. Condamné aux autres. Condamné à Vignoche et à Pochon. Envahi par les autres au point de ne savoir plus ce qu’on est, ni si on est encore quelque chose. De l’homme partout. Le frôlement, le frottement continuel de l’homme contre l’homme. Les fesses des autres contre mes fesses. Les chansons des autres dans ma cervelle. L’odeur des autres dans mon odeur. C’est de cela que nous sommes captifs, plus que des sentinelles et des fils barbelés. Captifs des captifs – des autres.

J’ai longtemps tourné autour de la misère. Il y a des gens dès qu’ils arrivent dans une ville, qui cherchent la cathédrale, ou le cimetière, ou les bordels. Question de goût. Moi, c’est vers les quartiers pauvres que j’allais. C’est ça qui m’attirait. Les façades noires, les guenilles aux fenêtres, ces créatures délabrées qui vous regardent passer… Les hôtels Renaissance, les églises du XIIIe siècle, je m’en fous. Mais j’ai passé des heures à flânocher dans Martinville. Martinville, c’est un quartier de Rouen. L’un des lieux les plus désolés que je connaisse. Pour voir de la pauvreté, il faut se balader à Martinville.

De la belle pauvreté vraiment, bien authentique, bien grasse, bien pourrie d’alcool et de vérole. De la pauvreté pour connaisseurs. J’allais épier et renifler tout cela. Pas par amour du pittoresque : de tous les romantismes, c’est bien le romantisme de la crasse qui me paraît le plus indécent. Mais par une curiosité inquiète venue de l’enfance et de plus loin que l’enfance. La pauvreté, c’est une hantise et une menace pour les gens de ma race. Nous n’étions pas pauvres, nous autres. Mon père gagnait bien, comme on disait. Mais c’était là une chance précaire. Il ne fallait pas s’y fier. La pauvreté n’était pas loin. Le malheur n’est jamais loin et nous devions nous faire petits et silencieux pour qu’il nous oubliât. Depuis



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