Autoportrait d'un bandit dans son adolescence (1983) by Edouard Limonov

Autoportrait d'un bandit dans son adolescence (1983) by Edouard Limonov

Auteur:Edouard Limonov [Limonov, Edouard]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: albin michel
Publié: 2013-10-07T04:00:00+00:00


32

Il reste assis un moment, immobile, dans la position où il a atterri. Il ne veut pas être vu des maisons voisines qui sont d'ailleurs assez éloignées, ni de la sienne; il lui faut un alibi, comme le lui a enseigné Kostia. Après l'«opération», il grimpera à nouveau dans sa véranda et se couchera, comme s'il n'avait pas bougé de la nuit.

Mais Kostia ne lui a pas appris à cambrioler dans sa propre rue. D'après sa théorie, voler dans son quartier est la dernière des choses à faire. Aucun bandit qui se respecte ne se permettrait de faire un casse si près de son domicile, pense Eddy-baby, un peu honteux. Mais que faire? Il n'a pas d'autre solution, et il connaît bien la cantine de la rue Transversale.

Il se faufile dans l'obscurité, rasant les murs. Il n'a pas envie de rencontrer des gens qu'il connaît et qui reviennent de la fête, car au matin, tout Saltov saura que la cantine de la rue Transversale a été cambriolée.

Après s'être glissé le long de la maison de Karpov, Eddy poursuit son chemin. Près du foyer de filles de la Transversale, plusieurs mecs bourrés s'engueulent avec la directrice d'une voix rauque. C'est clair, se dit Eddy: ils veulent monter chez les filles, et les filles sont d'accord, mais la directrice n'en démord pas: «C'est interdit!» Interdit, se dit Eddy avec ironie: il est probable qu'aujourd'hui des types sont planqués dans la moitié des chambres. Ils passent d'habitude par les fenêtres. Seuls les ivrognes veulent entrer par la porte.

Il y a cinq minutes de marche de la maison d'Eddy jusqu'à la cantine. Comme il le supposait, l'intérieur est allumé. Il reste un moment sur le trottoir opposé, devant le jardinet d'un autre foyer de filles — il y en a quatre dans cette rue — et, plissant les yeux, il s'efforce de bien regarder tout autour. Il comprend seulement maintenant combien c'était bête de partir en expédition sans prendre ses lunettes.

Eddy connaît la règle numéro un du cambrioleur: il faut agir avec courage et énergie, sans attendre la situation «idéale». Elle n'existe pas. Aussi, après avoir regardé encore une fois autour de lui, il traverse sans hésiter la rue pavée, plonge rapidement dans la niche de la fenêtre en sous-sol et saute.

Dans la niche, il fait humide et c'est sale; ça pue l'urine, mais il ne prête pas attention à de tels détails. Sortant un couteau de sa poche, il se met à gratter le mastic du coin droit du carreau inférieur. Le carreau est posé de l'extérieur et non de l'intérieur — étrange logique —, ce qui facilite son travail. Il s'en réjouit, mais c'est prématuré. Le mastic se révèle dur comme du ciment. Il est sans doute devenu ainsi sous l'effet de la pluie ou du froid, ou des deux. Le mastic ne se laisse pas enlever, le couteau d'Eddy glisse dessus, ne retirant de sa surface dure comme de la pierre qu'une mince pellicule.

Il n'y a rien à faire, se dit-il. Il faudra casser le carreau.



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