AU BONHEUR DES DAMES by Émile Zola

AU BONHEUR DES DAMES by Émile Zola

Auteur:Émile Zola [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2010-05-20T04:00:00+00:00


IX

Un lundi, quatorze mars, le Bonheur des Dames inaugurait ses magasins neufs par la grande exposition des nouveautés d’été, qui devait durer trois jours. Au-dehors, une aigre bise soufflait, les passants, surpris de ce retour d’hiver, filaient vite, en boutonnant leurs paletots. Cependant, toute une émotion fermentait dans les boutiques du voisinage ; et l’on voyait, contre les vitres, les faces pâles des petits commerçants, occupés à compter les premières voitures, qui s’arrêtaient devant la nouvelle porte d’honneur, rue Neuve-Saint-Augustin. Cette porte, haute et profonde comme un porche d’église, surmontée d’un groupe, l’Industrie et le Commerce se donnant la main au milieu d’une complication d’attributs, était abritée sous une vaste marquise, dont les dorures fraîches semblaient éclairer les trottoirs d’un coup de soleil. À droite, à gauche, les façades, d’une blancheur crue encore, s’allongeaient, faisaient retour sur les rues Monsigny et de la Michodière, occupaient toute l’île, sauf le côté de la rue du Dix-Décembre, où le Crédit Immobilier allait bâtir. Le long de ce développement de caserne, lorsque les petits commerçants levaient la tête, ils apercevaient l’amoncellement des marchandises, par les glaces sans tain, qui, du rez-de-chaussée au second étage, ouvraient la maison au plein jour. Et ce cube énorme, ce colossal bazar leur bouchait le ciel, leur paraissait être pour quelque chose dans le froid dont ils grelottaient, au fond de leurs comptoirs glacés.

Dès six heures, cependant, Mouret était là, donnant ses derniers ordres. Au centre, dans l’axe de la porte d’honneur, une large galerie allait de bout en bout, flanquée à droite et à gauche de deux galeries plus étroites, la galerie Monsigny et la galerie Michodière. On avait vitré les cours, transformées en halls ; et des escaliers de fer s’élevaient du rez-de-chaussée, des ponts de fer étaient jetés d’un bout à l’autre, aux deux étages. L’architecte, par hasard intelligent, un jeune homme amoureux des temps nouveaux, ne s’était servi de la pierre que pour les sous-sols et les piles d’angle, puis avait monté toute l’ossature en fer, des colonnes supportant l’assemblage des poutres et des solives. Les voûtins des planchers, les cloisons des distributions intérieures, étaient en briques. Partout on avait gagné de l’espace, l’air et la lumière entraient librement, le public circulait à l’aise, sous le jet hardi des fermes à longue portée. C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clientes. En bas, dans la galerie centrale, après les soldes de la porte, il y avait les cravates, la ganterie, la soie ; la galerie Monsigny était occupée par le blanc et la rouennerie, la galerie Michodière par la mercerie, la bonneterie, la draperie et les lainages. Puis, au premier, se trouvaient les confections, la lingerie, les châles, les dentelles, d’autres rayons nouveaux, tandis qu’on avait relégué au second étage la literie, les tapis, les étoffes d’ameublement, tous les articles encombrants et d’un maniement difficile. À cette heure, le nombre des rayons était de trente-neuf, et l’on comptait dix-huit cents employés, dont deux cents femmes. Un monde poussait là, dans la vie sonore des hautes nefs métalliques.



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