Askja by Ian Manook

Askja by Ian Manook

Auteur:Ian Manook [Ian, Manook]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Suspense, Policier
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2019-08-30T14:18:18+00:00


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… et entre dans sa tanière.

* * *

Les nuages sont si bas que quelques collines suffisent à les retenir. Au-dessus, le ciel immense est strié de strates de pluie et de lumière. De l’autre côté des collines, ils ont traversé des prairies verdoyantes sous un soleil blanc éblouissant. Puis la route s’est glissée sous la ouate imbibée des nuages et ils ont passé un long pont bas au ras de l’eau. Du nord coulent, lourdes et rondes, les eaux de fonte laiteuses du Vatnajökull, le glacier d’eau, comme disent les Anglais. Au sud du pont, elles se répandent dans un bras de mer dont elles inondent les berges de tourbe et forment des îlots moussus dans l’entrelacs des reflets du ciel. Ida et Kornélius restent silencieux. Elle parce qu’elle pense que ce paysage ressemble à une terre de chagrin, lui parce qu’il sait que ce bras de mer insidieux n’est que le terrain perdu par le glacier majestueux. Son pays change. Sa vie aussi. Et l’amour d’Ida. De quoi les attrister tous les deux de la rencontre qui les attend. Bientôt la route repique vers le nord pour s’éloigner de la côte. C’est là qu’Ida aperçoit la maison en ruine. Un carré de murs noirs, sur la droite, dans une étroite prairie encore verte. Au loin, le bras de mer est un trait d’argent entre la prairie et un horizon de collines noires. Plus à droite, le ciel blanc se fond dans le reflet de la mer. Kornélius gare son vieux coupé Saab sur le bas-côté, à hauteur de la ruine.

– C’est ici ?

– Oui, répond Kornélius. Merci de m’avoir accompagné. Je ne suis pas le meilleur des compagnons en ce moment.

Elle ne répond pas. La prairie est protégée par une barrière en fil de fer. Jusqu’à l’horizon, des balles de paille enrubannées de plastique jonchent le sol fraîchement fauché. Blanches ou roses, comme des bonbons de guimauve abandonnés. De la maison noire à un étage, il ne reste que les murs édentés. Les coups de boutoir des tempêtes ont depuis longtemps déboîté le toit. D’autres l’ont emporté assaut après assaut. Il ne reste plus de la charpente que la poutre maîtresse qui la soutenait. Un tronc entier, si rare sur cette île, le seul à avoir résisté aux années de pluies et de neige qui ont pourri le reste. Sols et plancher, cloisons et plafonds. Meubles. Souvenirs. Ne subsistent que des murs orphelins de toute vie, couverts de graffitis et d’un grand portrait de femme monochrome, triste et blanc. Spectre évanescent. Tragique chimère.

– Tout a brûlé pour être noir comme ça ?

– Non, répond Kornélius, mon père l’avait construite en pierre de lave. Il la voulait noire.

Ils descendent et observent la maison, adossés à la voiture. Ida est vêtue d’une veste en laine rouge, le visage et les cheveux protégés du vent humide par un foulard de la même couleur, noué avec élégance. Kornélius pense à une femme des années cinquante. Une actrice italienne. Sur une Riviera. Il se dit qu’il aime Ida.



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