Arrêtez moi là by Iain Levison

Auteur:Iain Levison [Levison, Iain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 978-2867465963
Éditeur: Liana Levi
Publié: 2012-03-01T00:00:00+00:00

La prison possède des costumes pour les procès. Ils ont été offerts par une association caritative du coin. Je parie que les gens qui les ont donnés n’imaginaient pas qu’ils serviraient à des détenus qui essaient d’être plus présentables le jour où ils affrontent le jugement de leurs pairs, et qu’ils les auraient probablement jetés ou brûlés s’ils avaient su.

S’il y a une chose que j’ai apprise de tout ça, c’est que les gens n’aiment vraiment pas les détenus.

D’où, naturellement, l’idée des costards. Quiconque se présente devant un jury en combinaison blanche de la prison apparaît automatiquement coupable. Vous pourriez transformer mère Teresa en gangster de South Dallas si vous l’habilliez en survêtement de l’administration pénitentiaire du Texas avec ceinture de cuir et chaînes, à plus forte raison quelqu’un qui a déjà un physique imposant. Impossible de paraître innocent dans cet attirail. Si vous souriez, vous avez l’air diabolique. Si vous froncez les sourcils, vous avez l’air d’un pervers. Si vos épaules sont affaissées vous ressemblez à un pédophile dégénéré, si vous tenez la tête droite, à un chef de gang.

Je me rends donc dans le vestiaire, un entrepôt avec un portant chargé de costumes gratuits que je peux emprunter. En les essayant je m’aperçois que le costume que je possédais autrefois, dans l’appartement d’où j’ai été expulsé, aurait pu être donné à cette cause, et je le cherche un moment avant de décider que la coïncidence serait trop absurde. J’en essaie un noir décontracté qui pourrait venir d’un basketteur professionnel ou peut-être d’un orang-outan parce que les manches dépassent mes doigts de plus de dix centimètres.

Je me regarde dans la glace. Tout est parfait sauf les bras. J’essaie de rouler les manches et je ressemble à un gamin des années cinquante qui va à un concours de danse. Je remets le costume d’orang-outan à sa place et tous les autres sont trop petits.

À ce stade, je suis en sueur. Je ne peux pas me présenter au tribunal avec cette dégaine, mais il va bien falloir. Quand j’imaginais aller en prison pour un crime que je n’avais pas commis, je me voyais toujours tiré à quatre épingles pendant la lecture du verdict. Je pense à mes deux mille six cents dollars sur mon compte bancaire et je me demande si mon avocat pourrait s’en servir pour m’acheter un costume. Il ne semble pas être du genre à perdre son temps à ce type de futilité et, en plus, le temps manquerait.

Le secours vient de là où je l’attends le moins. Le gardien qui m’a conduit ici voit que je ne trouve rien et me dit : « Essayons ça. » Il prend une clé dans son trousseau et ouvre la porte d’une armoire derrière le portant, il en sort un élégant costume gris avec la marque d’un bon faiseur et me le montre. Il porte encore les étiquettes de la teinturerie.

« Celui-là vous ira. Essayez-le.

— Merci, mon vieux. » Ce gardien est l’un des plus jeunes, toujours très sérieux, il ne sourit jamais.

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