Apprendre à vivre by Ferry Luc

Apprendre à vivre by Ferry Luc

Auteur:Ferry, Luc
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-290-00971-0
Éditeur: Plon
Publié: 2006-04-14T16:00:00+00:00


La deuxième idée fondamentale sera plus décisive encore sur le plan historique et politique : c’est celle de « table rase », de rejet absolu de tous les préjugés et de toutes les croyances hérités des traditions et du passé. En mettant radicalement en doute, sans distinction, la totalité des idées reçues. Descartes invente tout simplement la notion moderne de révolution. Comme le dira, au XIXe siècle, un autre grand penseur français, Tocqueville, les hommes qui ont fait la révolution de 1789, ceux qu’on appelle les « jacobins », ne sont rien d’autre que des « cartésiens sortis des écoles » et « descendus dans la rue ».

On pourrait dire, en effet, que les révolutionnaires français répètent dans la réalité historique et politique le geste qui fut celui de Descartes dans la pensée : de même que ce dernier décrète que toutes les croyances passées, toutes les idées héritées de sa famille, de sa nation ou transmises depuis l’enfance par des « autorités » comme celles des maîtres ou de l’Église par exemple, doivent être mises en doute, critiquées et examinées en toute liberté par un sujet qui se pose en souverain autonome, seul capable de décider de ce qui est vrai ou non, de même, les révolutionnaires français décrètent qu’il faut en finir avec tous les héritages de l’Ancien Régime. Comme le dit l’un d’entre eux — Rabaud Saint-Étienne – d’une formule tout à fait « cartésienne » et qui fera date elle aussi, la Révolution peut se résumer en une phrase : « Notre histoire n’est pas notre code. »

En clair : ce n’est pas parce que nous avons vécu depuis toujours sous un régime qui est celui de l’aristocratie et de la royauté, des inégalités et des privilèges institués, que nous sommes obligés à jamais de continuer à en faire autant. Ou pour mieux dire peut-être : rien ne nous contraint à respecter pour toujours les traditions. Au contraire, quand elles ne sont pas bonnes, il faut les rejeter et les changer. Bref, il faut savoir « du passé faire table rase » pour reconstruire entièrement à neuf – exactement comme Descartes, après avoir mis toutes les croyances passées en doute, entreprend de reconstruire la philosophie tout entière sur quelque chose d’enfin solide : une certitude inébranlable, celle d’un sujet qui se saisit lui-même en toute transparence et qui n’accorde désormais sa confiance qu’à lui seul.

Tu noteras que, dans les deux cas, chez Descartes comme chez les révolutionnaires français, c’est l’homme, le sujet humain qui devient le fondement de toutes les pensées comme de tous les projets, de la philosophie nouvelle dans l’expérience décisive du cogito comme de la démocratie et de l’égalité avec l’abolition des privilèges de l’Ancien Régime et la déclaration, à l’époque totalement inouïe, de l’égalité de tous les hommes entre eux.

Note aussi qu’il y a un lien direct entre la première et la deuxième idée, entre la définition de la vérité comme certitude du sujet et la fondation de l’idéologie révolutionnaire : car



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