Aphrodite: Moeurs antiques by Pierre Louÿs

Aphrodite: Moeurs antiques by Pierre Louÿs

Auteur:Pierre Louÿs [Louÿs, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2021-08-10T10:32:19+00:00


LIVRE III

I

L’Arrivée

Bacchis était courtisane depuis plus de vingt-cinq ans. C’est dire qu’elle approchait de la quarantaine et que sa beauté avait changé plusieurs fois de caractère.

Sa mère, qui pendant longtemps avait été la directrice de sa maison et la conseillère de sa vie, lui avait donné des principes de conduite et d’économie qui lui avaient fait acquérir peu à peu une fortune considérable, dont elle pouvait user sans compter, à l’âge où la magnificence du lit supplée à l’éclat du corps.

C’est ainsi qu’au lieu d’acheter fort cher des esclaves adultes au marché, dépense que tant d’autres jugeaient nécessaire et qui ruinait les jeunes courtisanes, elle avait su se contenter pendant dix ans d’une seule négresse, et parer à l’avenir en la faisant féconder chaque année, afin de se créer gratuitement une domesticité nombreuse qui, plus tard, serait une richesse.

Comme elle avait choisi le père avec soin, sept mulâtresses fort belles étaient nées de son esclave, et aussi trois garçons qu’elle avait fait tuer, parce que les serviteurs mâles donnent aux amants jaloux des soupçons inutiles. Elle avait nommé les sept filles d’après les sept planètes, et leur avait choisi des attributions diverses, en rapport, autant que possible, avec le nom qu’elles portaient. Héliope était l’esclave du jour, Séléné l’esclave de la nuit, Arêtias gardait la porte, Aphrodisia s’occupait du lit, Hermione faisait les emplettes et Cronomagire la cuisine. Enfin Diomède, l’intendante, avait la tenue des comptes et la responsabilité.

Aphrodisia était l’esclave favorite, la plus jolie, la plus aimée. Elle partageait souvent le lit de sa maîtresse sur la demande des amants qui s’éprenaient d’elle. Aussi la dispensait-on de tout travail servile pour lui conserver des bras délicats et des mains douces. Par une faveur exceptionnelle, ses cheveux n’étaient pas couverts, si bien qu’on la prenait souvent pour une femme libre, et ce soir-là même elle allait s’affranchir au prix énorme de trente-cinq mines.

Les sept esclaves de Bacchis, toutes de haute taille et admirablement stylées, étaient pour elle un tel sujet de fierté qu’elle ne sortait pas sans les avoir à sa suite, au risque de laisser sa maison vide. C’était à cette imprudence que Démétrios avait dû d’entrer si aisément chez elle ; mais elle ignorait encore son malheur quand elle donna le festin où Chrysis était invitée.

*

Ce soir-là, Chrysis arriva la première.

Elle était vêtue d’une robe verte brochée d’énormes branches de roses qui venaient s’épanouir sur ses seins.

Arêtias lui ouvrit la porte sans qu’elle eût besoin de frapper, et suivant la coutume grecque, elle la conduisit dans une petite pièce à l’écart, lui défit ses chaussures rouges et lava doucement ses pieds nus.

Puis, en soulevant la robe ou l’écartant, selon l’endroit, elle la parfuma partout où il était nécessaire ; car on épargnait aux convives toutes les peines, même celle de faire leur toilette avant de se rendre à dîner. Ensuite, elle lui présenta un peigne et des épingles pour corriger sa coiffure, ainsi que des fards gras et secs pour ses lèvres et ses joues.

Quand Chrysis fut enfin prête :

« Quelles sont les ombres ? » dit-elle à l’esclave.



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