Andalousie - Vérités et légendes by Joseph Pérez

Andalousie - Vérités et légendes by Joseph Pérez

Auteur:Joseph Pérez [Pérez, Joseph]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Publié: 2018-05-02T22:00:00+00:00


LE MÉTISSAGE CULTUREL DANS L’ESPAGNE CHRÉTIENNE

Dans le domaine des sciences et de la philosophie, l’Espagne chrétienne a servi d’intermédiaire entre l’Orient et l’Occident, mais elle-même ne s’est pas illustrée dans la recomposition du savoir qui s’est produite alors. On n’y trouve aucune personnalité qui ait la taille d’un Albert le Grand ou d’un Thomas d’Aquin. Il faut attendre le XVIe siècle pour voir apparaître, avec Francisco de Vitoria, Melchor Cano et surtout Francisco Suarez, des penseurs qui procèdent à une mise à jour (aggiornamento) de la scolastique ; toujours à la même époque, des mystiques comme Thérèse d’Avila et Jean de la Croix renouvellent la spiritualité traditionnelle. Au Moyen ge, l’influence musulmane se serait plutôt fait sentir dans le domaine des arts et des lettres. C’est la thèse qu’ont développée Américo Castro et ses disciples : au contact des musulmans, l’Espagne chrétienne a cultivé une sensibilité et une esthétique originales ; c’est ce qu’on désigne sous le nom de mudejarismo parce que ce sont des mudéjares qui auraient inspiré ces formes artistiques.

On appelle mudéjares les musulmans qui étaient restés sur place après que leur territoire eut été repris par les chrétiens. Leur nombre n’a jamais été très élevé – sauf en Aragon et à Valence. La Reconquête, en effet, se caractérise par un double mouvement : on chasse les Maures, puis on repeuple le pays avec des colons venus du nord. Lors des grandes conquêtes du XIIIe siècle, quand les Castillans occupent la vallée du Guadalquivir, ils expulsent la population musulmane ; ils vont jusqu’à mettre des navires à la disposition de ceux qui voudraient s’installer en Afrique du Nord ; ce sont des villes et des campagnes presque entièrement vidées de leurs habitants qui tombent alors au pouvoir du roi de Castille. Ceux qui restent se révoltent en 1264. Alphonse X procède alors à des expulsions massives. Selon Antonio Domínguez Ortiz, il y aurait eu environ vingt-cinq mille mudéjares dans la couronne de Castille avant la conquête de Grenade, dispersés dans plusieurs localités : Uclés, Hornachos, Alcántara, Plasencia, Trujillo… Il n’y en avait presque pas dans la vallée du Guadalquivir : pas plus de deux mille entre Séville, Cordoue, Palma del Río… En avril 1501, un recensement ne contient que trente-deux noms de mudéjares pour la ville de Séville51.

Des considérations du même ordre inspirent la politique des rois d’Aragon. Quand Alphonse le Batailleur reprend Saragosse en 1118, il entre dans une ville que les élites musulmanes, les artisans et les commerçants ont évacuée. Beaucoup de paysans veulent fuir eux aussi ; le souverain s’efforce de les retenir dans les vallées de l’Èbre et du Jalon parce qu’il a besoin d’eux pour travailler la terre. La même situation se reproduit, un siècle plus tard, à Valence : les souverains aragonais attendaient cent mille colons chrétiens ; il en est venu à peine trente mille ; encore refusent-ils de s’installer dans les campagnes. Pour mettre le pays en valeur, il a bien fallu retenir les musulmans, quitte à leur donner le statut de mudéjares.



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