Éloge de la société de consommation by Raymond Ruyer

Éloge de la société de consommation by Raymond Ruyer

Auteur:Raymond Ruyer [Ruyer, Raymond]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Calmann-Lévy
Publié: 1968-12-31T23:00:00+00:00


La phobie des mobiles économiques.

L’« économophobie » prend souvent aujourd’hui la forme de la phobie des mobiles économiques, la forme du mépris — verbal — pour la recherche du profit, pour l’action dirigée selon l’intérêt économique. On rêve d’une société animée tout entière par de plus nobles mobiles. Mais le problème difficile, du dépassement ou du remplacement des mobiles économiques pour assurer le dynamisme, pour donner un moteur aux mécanismes économiques qui constitueraient, de toute manière, l’infrastructure même d’une société qui prétendrait dépasser la « société économique » — ce problème, banal et classique, n’est pas résolu.

Un mécanisme très perfectionné a besoin de moteur autant que le mécanisme le plus rudimentaire, et ce n’est pas en perfectionnant le mécanisme que l’on peut arriver à se passer de moteur — à moins de croire au mouvement perpétuel. Les planificateurs technocrates se croient naturellement aux antipodes des socialistes utopistes du XIXe siècle. Et, certes, leurs études structurales sont sans commune mesure avec les analyses sommaires des utopistes. Mais ce progrès dissimule le manque de progrès dans le chapitre des motivations et des dynamismes qui doivent remplacer la motivation de l’Homo economicus. Le recours général à l’État et aux forces politiques fait croire que le problème des forces économiques est résolu, ce qui est une grave erreur (erreur qui commence à être reconnue en U.R.S.S.).

Les utopistes intelligents ont d’ailleurs été conscients, en gros, du problème du « moteur » — tout en réservant leur complaisance bien entendu à la présentation fignolée des structures de leur « esperanto » social. Ce n’est qu’aux plus médiocres utopies que s’applique l’épigramme de Chesterton qui leur reproche « d’expliquer longuement comment les marchandises seront distribuées à tous par hélicoptère, et d’oublier de dire comment personne n’essaiera d’avoir plus que sa part ». Les utopistes intelligents s’avisent de l’utilité d’un bon moteur. Mais ils pèchent tous en ceci, qu’ils pensent à des moteurs, à des motivations visiblement insuffisantes. Les économophobes de tous les temps invoquent « un esprit civique intense », ou « le goût de la création » et du « travail créateur », ou l’« appétit pour la culture », quand la religion ne peut plus être invoquée. Ils tournent toujours dans le cercle où ils retrouvent les mobiles encore prônés par Veblen, contre les mobiles sordides de l’ Homo economicus : parental bent (dévouement à un groupe) ; instinct of workmanship (goût du travail bien fait) ; idle curiosity (goût du savoir désintéressé). Du même ordre sont encore les mobiles que Galbraith84 estime appropriés à la « technostructure », à l’appareil collégial qui la domine, affranchi du mobile du profit maximum : l’identification, c’est-à-dire l’échange volontaire des buts individuels contre les buts reconnus préférables de l’organisation à laquelle on appartient, et l’adaptation, c’est-à-dire l’espoir, pour l’individu, d’influencer aussi les objectifs de l’organisation pour les accorder avec les siens propres. D’après lui la contrainte (ou l’esclavage) était liée à la prépondérance terrienne, la motivation pécuniaire (« gagner de l’argent ») au capitalisme, l’identification désintéressée à la « technostructure ».



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