Ainsi fut Auschwitz by Primo Levi

Auteur:Primo Levi [Levi, Primo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Primo Levi, Auschwitz, témoignages, Enquêtes, inédit, Shoah, Histoire
ISBN: 2251449108
Éditeur: Paris, Les Belles Lettres, 2019
Publié: 2019-06-14T22:00:00+00:00

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1. L’idée de « victoire mutilée » fait son apparition dans le débat politique italien à l’issue de la Conférence sur la paix de 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Présente à la table des vainqueurs, l’Italie voit ses revendications territoriales contrariées, contrairement à l’accord passé avec les Alliés, lors de l’entrée du pays dans le conflit quatre ans plus tôt. Ce camouflet alimentera un grand ressentiment (N.d.T).

Le comité de défense secret d’Auschwitz

Il y a de nombreuses années, quand j’étais prisonnier à Auschwitz, j’ai assisté à une scène que je n’ai pas comprise sur le moment. Vers le mois de mai 1944, notre équipe de travail avait reçu un nouveau kapo : c’était un juif polonais, la trentaine, renfrogné, taciturne, clairement névrotique. Il nous frappait sans raison. À vrai dire, tout le monde le faisait là-bas. Dans cet environnement digne de Babel, les coups étaient la façon la plus facile de communiquer, le « langage » que tout le monde comprenait, même les nouveaux arrivants. Mais ce kapo frappait délibérément, à froid, pour faire mal, avec une cruauté subtile qui visait à provoquer de la souffrance et de l’humiliation. J’avais commenté ce comportement avec un camarade yougoslave et celui-ci avait esquissé un drôle de sourire, avant de me dire : « Oui, mais tu verras, ça ne va pas durer longtemps. » De fait, quelques jours plus tard, le cogneur avait disparu ; personne n’avait plus de nouvelles de lui, il avait cessé d’exister. Pire : tout se passait comme s’il n’avait jamais existé. Mais il se passait beaucoup de choses incompréhensibles au Lager, tout ce qui constituait cet endroit était incompréhensible et j’ai fini par ne plus penser à cet épisode.

Au mois de décembre suivant, lorsqu’on entendait déjà approcher le grondement de l’artillerie soviétique, j’ai croisé par hasard mon ami l’ingénieur Aldo Levi de Milan, que je n’avais pas vu depuis très longtemps. Il était pressé, je ne me rappelle plus pourquoi, et je l’étais moi aussi. Il m’a salué, avant de me dire : « Il va peut-être se passer quelque chose prochainement. Si c’est le cas, essaie de me trouver. »

Cette scène a également fini par se mélanger aux événements dramatiques de la libération du camp. Mais il m’est revenu en mémoire bien plus tard, en même temps que la première, lors d’un moment « bourgeois », ou plus exactement festif, c’est-à-dire lors d’un rassemblement d’anciens déportés à Rome. Il y avait un déjeuner, et un rescapé français était assis face à moi : il avait été dans mon camp, mais nous n’avions pas le souvenir de nous être croisés, ni lui, ni moi. Nous avons échangé nos facéties habituelles à propos du fait qu’il est si facile de trouver à manger aujourd’hui, alors que c’était tellement difficile à l’époque. Nous avions bu un peu tous les deux, ce qui nous avait rendus enclins aux confidences. H. m’a dit qu’il avait fait partie d’un comité de défense secret à Auschwitz-Monowitz, que de nombreux

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