Aimer trois fois par jour by Fausto Brizzi

Aimer trois fois par jour by Fausto Brizzi

Auteur:Fausto Brizzi [Fausto Brizzi]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: 12-21
Publié: 2016-08-15T00:00:00+00:00


Le seul côté positif de la dépression, c’est cette sensation de redécouverte qu’on éprouve quand on recommence à faire des choses auxquelles on avait renoncé. Rare privilège. On a la chance de jouir de nouvelles « premières fois » excitantes. Quelques minutes de gym, justement, ou un café dans un bar peuvent être aussi électrisants qu’un tour de la mort sur les montagnes russes. Tout me paraissait nouveau et appétissant. J’ai savouré un anonyme cappuccino comme si c’était de l’ambroisie servie par Vénus en personne, et non par une barmaid de la région des Marches. Que ce soit clair, mon nuage noir flottait toujours au-dessus de moi mais j’entrevoyais des éclaircies. On ne revient pas d’un aller-retour dans l’au-delà sans en rapporter quelques effets positifs.

Un, surtout. J’étais vivant. J’étais obligé d’en tenir compte.

Enfin, je rectifie : j’étais de retour à la case départ, c’est tout. Je n’avais rien résolu. Au lieu d’affronter le problème, j’avais juste fait une tentative désespérée pour le contourner. Qu’il était difficile de lutter contre un ennemi aussi insaisissable ! La dépression a mille facettes, et chaque individu a sa propre façon de souffrir. D’aucuns s’effondrent dans un canapé, catatoniques, d’autres deviennent arrogants, irascibles, hyperactifs, violents ou logorrhéiques. C’est comme un virus mutant qui se modifie en fonction de l’organisme qu’il infecte, ce qui rend très difficile l’identification d’un vaccin adéquat. J’aurais voulu revenir au Noël précédent, comme dans un film de Frank Capra, faire des choix différents, éviter d’appareiller pour ce voyage qui me semblait interminable. Mais mon nuage noir m’avait de nouveau enveloppé. Je pensais mériter mes malheurs, je me voyais comme un sale type et concluais que le futur ne me réservait rien de bon.

Je me suis engagé dans le centre historique. D’ordinaire, les pavés de la vieille ville avaient la vertu de me relaxer. Je suis romain depuis six générations, une de moins que ce qu’il faut pour être considéré comme « d’origine contrôlée ». Dans la famille, les vrais Romains sont mes enfants Pico et Laura, même si je crois que ce titre désormais rare les laisse de marbre.

Soudain, j’ai entendu un bruit sourd, comme un coup de tonnerre lointain. Ce n’était que mon estomac qui me rappelait que je n’avais ingéré aucune substance nutritive depuis près de deux jours, à part le café.

Je me suis laissé attirer par un restaurant avec un menu fixe à treize euros, boissons comprises. Le typique piège à touristes, où même les spaghettis alla carbonara et la pizza sont surgelés. Mais aussi l’endroit idéal où manger sans que personne ne vous adresse la parole. Je suis entré et j’ai indiqué d’un signe à la serveuse que j’étais seul. Pour éviter tout bavardage inutile, j’ai feint d’être étranger. J’ai dit thank you avec un accent allemand et je me suis assis à une petite table dans un coin au fond, tels les pistoleros qui veulent garder le saloon à l’œil. Quand j’étais un avocat à succès (modéré) et un homme sociable, je fréquentais beaucoup les restaurants, en particulier les trattorias, dont le nom m’évoque une cuisine plus domestique et savoureuse.



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