Écosophie by Maffesoli Michel

Écosophie by Maffesoli Michel

Auteur:Maffesoli Michel
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Cerf
Publié: 2016-04-15T00:00:00+00:00


Quand un établissement a les siècles pour soi, il sort de ses pierres un parfum de stabilité qui rassure l’homme contre les doutes de son cœur. Il y dort comme l’enfant sur les vieux genoux de son aïeul ; il y est bercé comme le mousse sur un vaisseau qui a cent fois traversé l’océan23.

La stabilité assure et donc rassure. Et c’est l’expérience de la tradition, le fait d’être dans ses entrailles comme dans une matrice, qui va permettre au mousse, une fois son apprentissage fini, de devenir un maître marin. Dans tous ces cas et l’on pourrait à loisir trouver des illustrations semblables, la forme est formante. C’est-à-dire que le lieu est un creuset, à l’abri duquel naît, s’élabore, se conforte la vie personnelle et communautaire. C’est cela que suscite l’habitus : en son sens strict, une forme d’incarnation. Ou pour le dire en des termes un peu plus baroques, une « invagination du sens ».

C’est-à-dire pas un « sens » lointain et quelque peu abstrait, mais une « signification » enracinée, vécue ici et maintenant. Celle-ci engendrant un authentique consensus sociétal : cum sensualis, un partage des sentiments assurant la cohésion de tous ceux qui vivent en un même lieu et, donc, partagent les valeurs inhérentes au territoire en question. C’est bien ce qu’avait compris Charles Maurras lorsqu’il notait qu’à l’encontre de la morale abstraite, purement rationnelle, « ce que les vieux maîtres scolastiques appellent habitus est une morale profonde24 ». On pourrait dire morale des racines, ou mieux, au sens défini plus haut, une éthique : éthos cimentant la vie commune.

« Morale profonde », incarnation en cette terre-ci, invagination du sens… peu importent les expressions. Il suffit de dire l’attachement instinctif aux territoires charnels où l’on vit. Lieux matriciels où, d’une manière quasi alchimique, se confectionne la communauté. Et il est vrai que tous ces lieux sont en creux, cachés, secrets. Officieux et opposés aux officiels. C’est bien cela qui caractérise ce que Gilbert Durand nomme le « régime nocturne de l’imaginaire25 » dont la figure essentielle est la coupe. Le contenant où l’on est ensemble pour être-ensemble, et non pas pour un but lointain qui lui, par construction, est abstrait. S’abstrait de la concrétude quotidienne d’un Réel vécu.

Il est d’ailleurs instructif d’observer que la genèse de toutes choses s’élabore dans le caché. L’exotérique ne peut exister que s’il y a de l’ésotérique. Le rôle des grottes dans les cultes à mystères antiques est bien connu. Celui des catacombes pour ce qui va devenir la civilisation chrétienne a fait l’objet de nombreuses études. Une ville n’existe que parce qu’il y a un réseau souterrain lui permettant d’être26. Et existe-t-il quelque fondation que ce soit, sans ses fondations assurant sa stabilité ? Voilà bien ce qu’est la structure essentielle du naturalisme : l’organicité de l’ombre et de la lumière. Organicité étant la cause et la conséquence d’une existence humaine en clair-obscur27.

C’est cette vie en creux, avec le clair-obscur la caractérisant, qui assure une réserve à l’être naturel ou social.



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