Ça sent la banane by François Barcelo

Ça sent la banane by François Barcelo

Auteur:François Barcelo
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 987-2-7644-2208-3
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2012-09-10T00:00:00+00:00


Mercredi

Avant de me lever, je passe consciencieusement en revue le programme de la journée, même si je constate, comme vous, que rien n’arrive jamais comme prévu.

L’essentiel, ou du moins le moment culminant, va consister à enguirlander la Hoarau. Surtout si les euros de mon portefeuille ont été abîmés par leur passage dans la machine à laver. Ce dont je doute, parce que les billets de banque modernes sont résistants. Il m’est arrivé plusieurs fois de lessiver accidentellement des dollars canadiens et ils ont survécu, à peine pâlis. Les euros sont probablement encore plus ineffaçables, puisqu’ils valent cinquante pour cent de plus, mais ce n’est pas une raison pour laver un pantalon sans vider les poches. Il est vrai que j’aurais dû les vider moi-même avant de lui confier mes vêtements. Mais une femme expérimentée sait qu’il faut faire les poches d’un homme avant de partir faire sa lessive. Elle a déjà été mariée à un artiste, et ne peut pas l’ignorer.

Une fois que j’aurai copieusement morigéné ma lavandière et repris mes euros et mon linge, qu’est-ce que je vais faire ? Sortir, bien sûr. Et pas pour aller faire du tourisme dans les cirques. Je suis encore là pour deux mois. J’ai tout mon temps pour ça. Je vais aller faire la tournée des bars. Avec un vrai repas dans un restaurant. Langouste, s’il y en a. Sinon, du poisson grillé. Ou du chinois. Il y a des millions de Chinois à La Réunion. Ils font sûrement du bon chinois. Du bon indien aussi. Mais l’indien, je ne connais pas. Le chinois, je ne connais que ça. Un de mes meilleurs souvenirs d’enfance, c’est quand j’ai mangé pour la première fois du riz frit au poulet (chicken flied lice, disait le garçon, un vrai Chinois de Chine, ça se voyait et s’entendait).

Mais auparavant, il faut que j’auditionne les grands. Ou les petits ? Peu importe, s’ils ont trouvé des chaussures convenables, je devrais expédier ça en moins d’une heure. Sinon, en trente secondes.

À midi, donc, je vais sortir, chercher du chinois. Une fois que je me serai bien empiffré, je choisirai un bar pour passer l’après-midi. Il y a la mer pas loin. Il y a sûrement des terrasses avec des parasols, une vue sur l’océan et des jolies filles venues de France ou d’Allemagne qui prennent le soleil les seins nus, même si les autochtones prétendent détester ça.

Maintenant que j’ai établi le programme de la journée, je me lève et je vais faire pipi, en passant par le studio.

Tiens : Céline est revenue ici hier soir ou pendant la nuit ou encore à l’aube puisque mes vêtements propres et repassés sont empilés sur ma chaise.

Je me penche. Ça sent le propre. Je mets ma chemise préférée, celle qui a deux poches à l’avant, dont une est réservée à mes lunettes de lecture que je n’ai toujours pas retrouvées. Et j’enfile mon pantalon par-dessus un short de boxeur dont on dit qu’ils sont meilleurs pour la santé des couilles que les slips serrés.



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