A travers la Jungle politique et littéraire by Victor Méric

A travers la Jungle politique et littéraire by Victor Méric

Auteur:Victor Méric
La langue: fra
Format: epub


et, parfois, l’interrogeait. Duc lui, fournissait la réplique sur tous les terrains, aussi à l’aise quand il traitait du grec que lorsqu’il parlait des dialectes juifs. Je ne pense pas qu’on puisse aujourd’hui rencontrer encore des érudits de cette trempe.

Pauvre Duc ! Qu’est-il devenu ? La dernière fois que je le vis, il me confia qu’il cherchait une place de correcteur. Il avait considérablement vieilli et se trouvait sans ressources. Il appartenait à ces générations qui ne s’enrichissaient, point dans la chose révolutionnaire. Ses petits travers, au fond, étaient légers en regard de ses qualités immenses. Je 1 ai beaucoup blagué. Je l’ai, néanmoins, aimé. Que si ces pages tombent sous ses yeux, il les parcoure avec son indulgence ordinaire, et pardonne.

Du reste, il me jugeait lui, assez bizarrement. Comme le Grand Chose, certain soir, lui confiait qu’il allait me retrouver quelque part, Duc-Quercy levait ses bras au ciel et s’écriait : .

■— Vous allez voir Méric ? Prenez garde, mon enfant. Vous le connaissez mal. C’est un fou.:. Un- fou !... Un fou !...

Il faut que je vous dise que nous étions alors en pleine période hervéiste et insurrectionnelle, à l’heure des batailles pour Liabeuf, et que, ma foi, ce brave Duc-Quercy n’avait pas entièrement tort.

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En vérité, si j’étais « fou » selon l’expression de ce brave Duc-Quercy, je ne me trouvais pas le seul

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dans cette situation mentale et — veuillez me croire — très provisoire. Les « fous » de toutes sortes, avec leurs petites manies, leurs rêves, leurs illusions, leurs tares, ne manquaient point à la Chope. Nous étions en ' famille.

*

Il y avait des rapins chevelus qui ne vivaient que pour l’Art (avec un A majuscule) et ne concevaient rien en dehors des « mouvements » et des jeux de lumière. Ceux-là passaient leurs nuits à discuter sur les valeurs, les tons et les formes. Après-quoi, ils dormaient toute la journée. Que de chefs-d’œuvre élaborés et dissipés dans les vapeurs du scaferlati !

Il y avait des « poâtes » qui parlaient rythme, rime, assonances et se jetaient leurs productions à la tête. Car on peut cultiver la Muse au fond d’une taverne.' Il suffît d’un geste lent, main passée dans la chevelure, d’un crayon et d’une feuille de papier à cigarette. Les « poâtes » sont favorisés par les Dieux, contrairement à ces messieurs de l’Art qui n’œuvrent qu’à l’aide d’un matériel compliqué et réclament tout un formidable outillage.

Je leur faisais des blagues, à ces nourrissons d’Apollon. Je publiais, dans Les Hommes, du jour, des poèmes de ma composition, sous le titre : « Petits ' chichis », avec la signature : « Vivalvercos. » Il faut que je vous soumette un de ces menus chefs-d’œuvre (vous permettez ?). '

Je retrouve, entre autres choses, cette innocente sottise : « Le Crépuscule des Yeux, complainte du jeune aveugle qui ne voit plus la lumière du jour. » Dégustez :

«

, Encore que cela n’irride Et que les voiles dispersés Disent les nimbes trop perfides,

Le confus des prunelles vides _

Râle les soucis insensés.



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