A son ombre by Claude Askolovitch

A son ombre by Claude Askolovitch

Auteur:Claude Askolovitch [Askolovitch, Claude]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2020-11-15T00:00:00+00:00


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Mon papa Roger tomba un matin de septembre 2011. Il se fractura le col du fémur. Evelyn était en Hollande chez sa maman. Un aide-soignant gardait papa ; Hassan l’aimait beaucoup, il était désolé. J’emmenai mon père à l’hôpital de Levallois. De là, il fut transféré dans une clinique à Courbevoie, à l’ombre de la Défense. Roger mourut en banlieue le 27 novembre. Il avait peur de la mort mais il était fatigué. Evelyn lui avait donné la permission de partir. Les mois suivants, elle penserait qu’il ne saurait pas se débrouiller sans elle, là-haut. Elle respira mieux quand mon oncle Félix partit à son tour : les deux frères veilleraient l’un sur l’autre.

Valérie, là-haut, là-bas, se débrouillait-elle sans moi ? Je l’espérais riant avec Roger, avec son oncle Albert, le frère de sa maman, le plus gentil des hommes, qui l’avait précédée de quelques mois. Je la redoutais triste de ma suite.

Evelyn et Roger avaient accompli leur couple. Je les enviais à nouveau.

J’avais manqué la mort de mon père, après celle de Valérie. J’étais parti en week-end au Maroc fêter les cinquante ans d’une amie, dont l’époux généreux avait affrété une équipée au désert où je cherchais ma place, me sentant incomplet en dépit de Kathleen, dont la jeunesse tranchait dans notre compagnie. Je forçais la note et mes chants. Je reçus un appel de ma mère quelques heures avant le retour prévu. Kathleen me caressa. Elle serait donc la femme qui me consolerait de la mort de mon père.

Ce n’était pas cela que j’imaginais avec elle. Tout me semblait étrange et malaisé.

À l’enterrement de papa, je récitai un poème, qu’il avait écrit pour son père, casquettier au pouce large, mort juste avant mes quatre ans.

J’ai aimé mon père et je n’ai pas su le lui dire.

Pour la seconde fois, j’embrassai un corps inerte pour toujours ; la joue de papa était un peu râpeuse, comme en mon enfance quand sa barbe repoussait.

Il me revient l’odeur des matins de rasage, une eau de Cologne, des petits cotons sur les coupures de sa peau.

Pour la seconde fois, dans un cimetière, j’ordonnai des mots aussi justes que possible.

Il faisait froid à Bagneux. Valérie me manquait. Je cherchais Kathleen du regard ; j’avais besoin qu’elle soit là et ne fût pas blessée. Elle s’était cachée à l’arrière de la petite foule venue prendre congé d’un vieux juif de Paris qui avait espéré. On parlait d’une histoire qu’elle n’avait pas connue. Elle n’osait pas prendre la lumière à l’enterrement du père de son homme. Les parents de Valérie étaient revenus dans ce cimetière parisien où depuis plus de deux ans reposait leur fille. Après les discours et la prière, les pelletées de terre, je vis Théo aller vers Kathleen et la conduire près de ses grands-parents. Mon fils était plus ferme et généreux que moi.

Quelques jours plus tard, nous sûmes que Kathleen était enceinte.

Camille prit rendez-vous chez une psychologue pour être certaine qu’elle aimerait le bébé.



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