A moi seul bien des personnages by Irving John

A moi seul bien des personnages by Irving John

Auteur:Irving, John [Irving, John]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Américaine
Éditeur: Mayrose - TAZ
Publié: 2013-04-17T22:00:00+00:00


1.

Les mots en italique suivis d’un astérisque sont en français dans le texte.

9

La loterie des gènes

À First Sister, Vermont, comme dans n’importe quelle petite ville ou coexistent école privée et école publique, on ne comptait pas les motifs de discorde entre les habitants et les professeurs ou l’administration. Mais le cas de Miss Frost ne fit pas débat : le conseil d’administration de la Bibliothèque municipale la vira séance tenante.

Grand-père Harry ne faisait plus partie de ce conseil ; en aurait-il été président qu’il n’aurait sans doute pas réussi à convaincre ses concitoyens de garder Miss Frost. Les instances dirigeantes de la Favorite River Academy et celles de la municipalité tombèrent d’accord pour régler le sort de la bibliothécaire transsexuelle ; les piliers de l’école privée et leurs homologues dans la communauté citoyenne estimaient avoir fait preuve d’une tolérance hautement louable à son égard. Mais elle était « allée trop loin », elle avait « dépassé les bornes ».

Pourtant le scandale et l’indignation vertueuse ne sont pas la posture unique des petites villes et des écoles rétrogrades : Miss Frost eut ses champions. Richard Abbott prit fait et cause pour elle, ce dont ma mère le punit par un mutisme de plusieurs semaines. Il arguait que, confrontée à l’obsession amoureuse d’un jeune homme décidé, Miss Frost avait effectivement épargné à celui-ci l’assortiment complet des postures érotiques envisageables en pareil cas.

Grand-père Harry manifesta lui aussi son soutien à Miss Frost, malgré le mépris féroce de Nana Victoria. La bibliothécaire avait fait preuve d’une retenue et d’une sensibilité admirables, observait-il – sans oublier qu’elle avait été une source d’inspiration pour les lecteurs de First Sister.

Même l’oncle Bob, sous le feu des sarcasmes encore plus acerbes de ma tante Muriel, avait réclamé qu’on fiche la paix à Big Al, histoire de changer. Martha Hadley, qui continua de me prodiguer ses conseils lors des séquelles de ma liaison avortée manu militari, estimait que la bibliothécaire transsexuelle avait requinqué mon assurance valétudinaire. Elle avait même contribué à me libérer d’un problème d’élocution, dont Mrs Hadley soutenait qu’il provenait de mon désarroi psychologique et sexuel.

S’il s’était trouvé quelqu’un pour écouter ce que disait Tom Atkins, il aurait peut-être glissé un mot bienveillant pour elle ; cependant, comme elle l’avait deviné, il était jaloux de l’affriolante bibliothécaire, et lorsqu’elle fut en butte aux persécutions, fidèle à lui-même, Tom-le-timoré ne souffla mot.

Il m’avait dit que La Chambre de Giovanni l’avait ému et troublé ; d’ailleurs, j’allais m’en rendre compte, cette lecture lui causait de nouveaux problèmes d’élocution. Ainsi, comment s’en étonner, il achoppait surtout sur le traître mot puanteur.

Le fait que Miss Frost ait eu comme défenseur de choc un étranger bien connu pour son excentricité joua peut-être contre elle. Le forestier cafardeux, le bûcheron-broie-du-noir, le théâtreux norvégien aux tendances suicidaires, j’ai nommé Nils Borkman, proclama en effet lors d’une réunion du conseil municipal qu’il était le « plus grand admirateur » de Miss Frost. Il n’est pas exclu que sa brutalité bien connue à l’encontre des bûcherons



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.