À la vie à la mort by Paule du Bouchet

À la vie à la mort by Paule du Bouchet

Auteur:Paule du Bouchet [Bouchet, Paule Du]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782075061636
Éditeur: Gallimard Jeunesse
Publié: 2015-12-08T05:00:00+00:00


Il n’était plus temps d’aller à l’école et d’entreprendre d’autres études. La guerre était là. Rose apprit le métier de sa mère, sage-femme, en se disant qu’il serait toujours temps de passer les diplômes après. Et du travail, il y en avait. Le vieux médecin de Cessac, le seul de tout le canton, était mort un mois après la débâcle de juin 40 et son fils qui devait lui succéder venait de gagner Londres et la France libre. Rose apprit sur le tas.

La première année, elle assistait sa mère, préparant le linge, faisant chauffer l’eau, apaisant la parturiente. La deuxième, elle mit au monde « son » premier bébé. C’était la nuit. Sa mère avait été appelée la veille aux Bourles, un hameau à une vingtaine de kilomètres et, la naissance faite, elle y était restée pour la nuit. Sur le coup de 2 heures du matin, on frappa à la porte de Rose. C’était pour une fille de ferme qui avait caché sa grossesse autant qu’elle l’avait pu et qui accouchait sans prévenir dans sa petite chambre au grenier. De la salle, en bas, on avait entendu gémir et la fermière, une brave femme, avait envoyé chercher. Le bébé était une belle petite fille qui cria tout de suite et Rose fut fière comme si c’eût été la sienne.

L’incident de ses débuts avortés d’institutrice l’avait profondément bouleversée. Elle avait découvert la révolte et vivait depuis dans la souffrance de ne pouvoir l’exprimer par des actes. L’année 1942 se passa sous le signe d’une frustration permanente. Puis, peu à peu, les choses de la nature imposèrent leur rythme et leur silence. Les blés qu’il fallait rentrer, les haricots qu’il fallait biner, les noix à gauler, les bébés à faire naître à la ronde. Bien souvent, elle enfourchait sa bicyclette à la pointe du jour ou à la nuit tombée, nouait ses jupes et pédalait à travers la luzerne odorante ou le tabac en fleur pour aller délivrer une femme à cinq, dix, vingt kilomètres de Saint-Fiacre.

Un après-midi d’avril 1944, Rose était au lavoir à battre du linge avec Germaine, la femme de charge de M. le curé. Germaine était au service du curé depuis plus de vingt ans. En parlant de tout et de rien, elles en vinrent insensiblement à parler de la guerre. Dans le village, on savait parfaitement qui pensait quoi. Chacun avait ses opinions et ses engagements profonds que les autres partageaient ou non mais sans juger ouvertement. Hormis le vieux comte de Lusignac qui, depuis son domaine, ne cachait pas ses sympathies pour l’occupant en recevant ostensiblement des officiers allemands dans son château, la grande majorité des villageois avait adopté une position de résistance passive et silencieuse et on savait que l’abbé Courgey cachait des documents pour le maquis dans le tabernacle de son église. Simplement, on ne parlait pas. On se contentait de commenter sobrement les événements au café de L’Écluse, chez Louis. Chacun savait que toute parole, tout signe d’engagement actif, pouvait se retourner contre lui.



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