A La Cime Des Montagnes by Chi Zijian

Auteur:Chi Zijian
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Chinoise
Éditeur: Philippe Picquier
Publié: 2019-03-05T23:00:00+00:00

Le rein caché

Tandis que les flocons de neige transformaient le Montdragon en majestueux dragon blanc, Chen Qingbei, le jeune sous-directeur du bureau de la sécurité publique de Songshan, arriva à Longzhan accompagné d’une escouade de policiers.

S’il venait, c’était à cause du rein de son père.

Deux semaines plus tôt, on avait diagnostiqué une crise d’urémie à Chen Jingu : il était atteint d’insuffisance rénale et avait besoin d’une transplantation de toute urgence.

Tout au long de sa carrière de fonctionnaire, Chen Jingu avait fréquenté les cercles du pouvoir et ses revenus occultes n’avaient jamais cessé. Il avait plus de sept millions de yuans à la banque, possédait moult bijoux en or ou en argent et autant de montres et sacs de luxe ; il avait aussi acquis des propriétés dans les deux stations balnéaires de Beidahe et Sanya.

Il avait espéré jouir paisiblement de tout cela à sa retraite, mais c’était sans compter le grave problème de santé qu’il rencontrait aujourd’hui.

Sa pire crainte était de se retrouver mouillé dans une affaire de corruption. En effet, dans la région de Songshan, une part non négligeable des cadres de la sous-préfecture donnait avec lui dans le trafic d’influence. Que la commission disciplinaire du Parti ou l’Inspection générale les aient à l’œil et Chen Jingu se verrait obligé d’intervenir pour jouer les médiateurs et de les protéger par tous les moyens afin d’échapper au scandale.

Il n’avait cependant pu régler ses problèmes de santé : il avait beau avoir de l’argent, s’imaginer qu’un proche lui donnerait un rein, c’était prendre des vessies pour des lanternes ! Lui qui se doutait bien que ses relations sociales étaient liées à son pouvoir et sa fortune se rendit enfin compte, avec la maladie, qu’il en était de même pour sa famille. Son désespoir fut immense.

Chen Jingu était au fond un homme fruste qui aimait boire et manger comme un ogre. Selon lui, un homme au solide appétit et à la bonne descente ne tombait pas malade. Quand il n’était pas dans son assiette, il n’allait pas à l’hôpital mais faisait plutôt appel au diagnostic et aux soins de ces gens du peuple qui se proclament guérisseurs. Même s’ils avaient des manières de soigner pour le moins étranges… Quand il souffrait d’intolérables maux de tête, le guérisseur prétendait qu’il avait fait du tort à une personne de peu ; il lui disait de dessiner un petit bonhomme au fond d’une de ses marmites, et la moxibustion quotidienne de la marmite ferait s’envoler en fumée le dessin et ses maux de tête disparaîtraient ! La nuit, ses jambes souvent nouées de crampes avaient pour origine, selon le guérisseur, des étoiles maléfiques ; pour s’en protéger, il devait ajouter deux autres rideaux noirs comme l’ébène à ceux de sa chambre afin de la rendre aussi impénétrable à la lumière qu’un abri anti aérien, et c’est ainsi que ses crampes partiraient. En dehors de ces thérapies, il prenait des pilules de longévité fabriquées par ces mêmes guérisseurs et buvait leurs potions fortifiantes à base de vin jaune mêlé de cendres d’encens.

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