Un shérif impassible by West Tom

Auteur:West, Tom [West, Tom]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Western
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE XI

Piqué au vif par les révélations de Larner, Moreland sortit de l’écurie de louage. Un baudet, songeait-il, morose, aurait fait un meilleur flic que moi…

Il ne put se résoudre, ce soir-là, à affronter les citoyens de Mustang, n’osa même pas aller dîner au restaurant de Ed Sayers. Bigfoot s’était certainement fait une joie de colporter à tous les vents l’histoire du derringer caché et il s’imaginait sans peine les regards sarcastiques auxquels il s’exposerait s’il se montrait en public.

La faim, cependant, est une sensation qu’il est difficile à quiconque d’ignorer, spécialement lorsque l’on est jeune et bien portant. Aussi, le lendemain, bannissant tout respect humain, prit-il le chemin du Good Eats. Les coups d’œil furtifs que lui lancèrent les quelques clients présents reflétaient non point la dérision, mais une franche hostilité. Eux qui d’ordinaire se montraient amicaux et toujours prêts à bavarder déjeunaient aujourd’hui dans un silence glacial. Pour Moreland, la raison de leur attitude ne faisait aucun doute : Mustang avait rendu son verdict et décrété que le nouveau deputy était l’assassin de Heckel, vraisemblablement parce que ses traits agrémentaient l’un des avis de recherche en la possession du chasseur de primes. Ils se fichaient sans doute pas mal que Heckel fût mort ou vivant, mais c’était la façon dont on l’avait tué qui leur donnait la nausée.

Lorsqu’il regagna le poste de police, il reçut du shérif le même accueil réfrigérant. Assis devant la baraque dans sa pose favorite, la pipe au bec, celui-ci répondit à son « Salut ! » par un grognement et s’il s’abstint de toute remarque. Sam n’en lut pas moins sa condamnation dans ses yeux gris.

Sa compagnie n’étant manifestement pas goûtée, il entra au bureau et, pour tuer le temps, examina et réexamina les autres avis de recherche trouvés dans la sacoche de Heckel, s’évertuant en vain à y trouver un indice qui l’aurait mis sur la piste de l’assassin.

Toute la ville semblait s’être ralliée à l’idée selon laquelle c’était lui, Moreland, qui avait tué le chasseur de primes. Une idée probablement propagée par Bigfoot Sanders, qui enrageait de perdre son fructueux négoce et qui, dès le début, d’ailleurs, s’était montré hostile.

Pour la énième fois, mâchonnant son mégot éteint, Sam récapitula les données du crime. Sur les quatre suspects qu’il avait retenus, il lui en restait encore deux à contacter, mais quelque chose lui disait que ce serait du temps perdu. Baldy n’avait pas quitté son comptoir. Quant à Whitestone, le comptable véreux, il doutait qu’il eût l’étoffe d’un tueur.

Ce qui le ramenait à son point de départ, c’est-à-dire à zéro…

Un seul détail inexpliqué pouvait donner matière aux conjectures : les initiales « B.O. » en clous dorés portées sur la selle de la victime, quand celles de Heckel auraient dû être « M.H. ». Mais cela ne prêtait probablement pas à conséquence : Heckel pouvait fort bien avoir gagné cette selle au poker, ou l’avoir achetée à quelque cow-boy dans la dèche.

Morose, Sam se leva, s’approcha d’une fenêtre. La chaise de Robinson était vide.

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