Si seulement il m'en avait parlé... by Marconi Mia

Auteur:Marconi Mia
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: City Edition
Publié: 2016-07-27T00:00:00+00:00

5

Sans surprise, la transition de Brody vers le secondaire a été désastreuse. Avant d’avoir douze ans, il a commencé à s’automutiler en s’enfonçant des crayons et des stylos dans les bras et les jambes. Puis un jour, j’ai reçu un coup de téléphone du principal.

‒ Brody a subtilisé un couteau à la cantine. Quelqu’un l’a vu entrer dans les cabinets pour le cacher dans sa manche.

‒ Je viens le chercher, ai-je répondu.

Il était devenu agressif et avait menacé de se tuer. C’était clairement un appel à l’aide. Après tout, s’il avait vraiment voulu se tuer, il aurait très bien pu voler un couteau dans un magasin durant l’une de ses « excursions non autorisées » et se tailler les veines à l’abri des regards. Brody n’était pas en prison ; on ne pouvait pas le surveiller vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il n’y avait rien de plus facile pour lui que de dérober un couteau à l’école ou chez un camarade. Tout ce que nous pouvions faire, c’était lui marteler le message qu’il n’en avait pas besoin. Mais j’avais beau lui répéter qu’il ne devait pas en voler, son obsession pour les couteaux perdurait.

Je savais que moi et ma famille, nous ne risquions rien, car il était clair que Brody cherchait seulement à se blesser lui-même. Il n’empêche que son comportement restait extrêmement inquiétant. Combien de fois avais-je trouvé un couteau sous son oreiller en faisant son lit ?

‒ C’est au cas où un cambrioleur rentrerait chez nous dans la nuit et m’attaquerait…, répondait-il.

Tôt ou tard, il allait y avoir un problème, ce n’était qu’une question de temps, et le jour où il a emporté un couteau à l’école, Brody s’est fait renvoyer. Je me suis dit (encore des excuses…) qu’il entrait dans l’adolescence, une phase que je savais difficile pour n’importe quel jeune – et plus encore quand il devait gérer les problèmes de Brody. Je suis allée le chercher au collège et une fois à la maison, j’ai attiré son attention sur le caractère dangereux de ce qu’il avait fait. Pleinement dans son rôle, l’école lui a assigné une référente avec qui il pouvait parler quand la pression devenait trop forte, mais Brody ne s’entendait pas avec elle et par la suite, il a réitéré ses menaces suicidaires.

Des heures durant, je m’asseyais avec lui pour essayer de le faire parler du suicide, mais sa réaction était généralement de se fermer comme une huître. J’ai vite compris qu’il valait mieux éviter ce terrain, et j’ai dédramatisé la question en attendant qu’il l’aborde avec moi. À une ou deux occasions, il s’est contenté de me dire que penser au suicide et se faire du mal l’aidait à se sentir mieux ; durant ces moments, il avait l’impression d’être au contrôle. J’y voyais un signe qu’il ne s’intégrait pas et que nous n’étions pas en mesure de lui apporter ce dont il avait besoin.

Un an après Brody, Alfie est entré au collège à son tour. Mais alors qu’il aurait pu constituer pour lui une figure de grand frère à prendre en exemple, Brody était un fardeau gênant pour Alfie.

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