On dirait vraiment le paradis by Cheever John

On dirait vraiment le paradis by Cheever John

Auteur:Cheever, John
La langue: fra
Format: epub
Tags: Litt. étrangère
ISBN: 9782070787227
Éditeur: Joëlle Losfeld
Publié: 1982-09-15T00:00:00+00:00


8

Le téléphone sonnait quand Sears rentra chez lui. C’était Renée qui l’invitait à venir prendre un verre. Il fut aux anges. Suite à leur querelle récente, il s’attendait qu’elle lui ouvre vêtue du vieux tablier bleu, voire sans rien. Il souriait à cette pensée quand il pénétra dans le hall et vit Eduardo, qui rit en découvrant son grand sourire. Cette aventure semblait dépourvue de toute jalousie. Renée ouvrit dès qu’il sonna. Sears fut déçu de voir qu’elle ne portait pas son vieux tablier bleu. Elle avait mis une robe, des chaussures et du parfum, mais quand elle l’embrassa, ses baisers furent d’une douceur tellement inestimable et d’une telle diversité qu’il ne s’inquiéta plus de sa tenue. Elle lui servit à boire, s’assit sur ses genoux et lui déboutonna la chemise et le pantalon. Tandis qu’elle caressait son torse, il se souvint que son professeur de sport à l’école leur disait que la poitrine masculine, enlaidie par des seins atrophiés, est incapable de sensualité. Jusque très récemment, il n’avait jamais mis cette affirmation en doute. « C’est le bonheur », se dit-il. Avoir une jolie femme sur les genoux tandis que l’ombre descend depuis les ailes de la nuit, c’était vraiment le nirvana. Elle l’embrassait quand le téléphone sonna, et elle quitta ses genoux pour répondre.

« Je suis là dans quelques minutes, dit-elle. Le portier acceptera que tu attendes en double file.

— Mais à qui parlais-tu, bon sang ?

— À l’homme qui m’emmène à l’aéroport. »

Elle passa dans le couloir, où il l’entendit ouvrir un placard.

« Où vas-tu ? demanda Sears. Tu ne m’as pas prévenu que tu partais et tu n’as pas du tout l’air prête à aller prendre un avion.

— Tu aurais pu remarquer ma valise dans le couloir. Tu remarques toujours ce genre de choses.

— J’ai remarqué que ton couloir est toujours encombré de valises, protesta Sears. Cela fait des mois que je trébuche dessus.

— Bon, veux-tu bien m’aider à porter ma valise jusqu’à l’ascenseur ou dois-je appeler Eduardo ? » lança-t-elle.

Elle était debout dans l’entrée, vêtue d’un chapeau et d’un manteau, en train d’enfiler ses gants. Il se sentait regagner ces montagnes imaginaires et déconcertantes où il doutait de la réalité de sa propre personne et de son univers. Il se rendit dans l’entrée et attrapa son sac.

« Mais où diable vas-tu ? demanda-t-il.

— À Des Moines voir ma sœur, dit-elle. J’aurais dû te le dire, mais j’ai oublié. »

Eduardo, qui ressemblait plus à un père du dimanche qu’à un amant, étudia avec grand calme la valise, Sears blanc de rage et la tenue de la voyageuse. La seule mission de Sears fut d’attendre sur le trottoir jusqu’à ce que la portière de la voiture s’ouvre, puis d’accepter son baiser d’adieu. « Tu ne comprends vraiment rien aux femmes ! » cria-t-elle. Il ne jeta pas le moindre regard à Eduardo dans le hall et partit au cinéma. Mépriser sa propre vision du monde est terrible, pensa-t-il, et il préférait s’intéresser au fait que la salle de cinéma qu’il avait choisie était presque déserte, que le film parlait de loups-garous et qu’un homme dans la rangée devant lui avait apporté son dîner et le mangea pendant la séance.



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