Longue est la nuit by Pronzini Bill

Longue est la nuit by Pronzini Bill

Auteur:Pronzini, Bill
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
Éditeur: Éditions du Rocher
Publié: 1999-08-15T00:00:00+00:00


36

Cam verse du gin Bombay sur des glaçons – deux verres, avec double dose dans l’un –, puis il ajoute une goutte de vermouth et un zeste de citron dans les deux et il apporte le simple à Hallie. Ils sont installés dans la véranda, où ils aiment siroter leurs cocktails avant de dîner. Un moment d’intimité, rien qu’eux deux : entrée interdite aux enfants.

Il va s’asseoir dans l’autre fauteuil et avale une gorgée, puis une autre et une troisième avant de reposer le verre. Le gin répand une traînée de feu dans sa poitrine, mais contrairement à l’habitude, celle-ci ne parvient pas à consumer le malaise qui le ronge. Il lui faudra plus d’un ou deux martinis pour obtenir le résultat escompté ce soir.

— Je me suis arrêté aux South City Apartments en rentrant, dit-il. Je voulais voir le type à qui Caitlin a loué la maison du fleuve. C’est pour ça que je suis rentré plus tard.

— Tu lui as parlé ? demande Hallie.

— Ouais. Je lui ai parlé.

— Et ?

— Curieux. Oui, un drôle de coco.

— Dans quel genre.

— Plutôt ouvert, mais pas vraiment… Je ne sais pas, pas franchement sympa. Cynique. Comme s’il cachait quelque chose.

— Tu ne crois pas qu’il…

— Qu’il soit dangereux ? Non. Non, je ne pense pas.

— Tu n’as pas l’air tout à fait convaincu, observe Hallie. Bon sang, Cat a l’art de choisir les hommes. Encore un cinglé.

Dangereux. Cinglé. Cam boit une autre gorgée avant de dire :

— Il est marié. Il n’a pas cherché à le cacher.

— Hmm. Mais pourquoi l’avouer ?

— Ce n’est pas un secret. Cat le sait, enfin, il prétend le lui avoir dit. Sa femme est hospitalisée à Denver. Elle a été renversée par un chauffard qui a pris la fuite ; depuis, elle est dans le coma.

— Pauvre femme. Pourquoi est-ce qu’il n’est pas resté à Denver, auprès d’elle ?

— Je lui ai posé la question. Il prétend qu’il peut lui être plus utile ici.

— Il parle d’argent ?

— Non, dit Cam. Je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire.

Mentalement, il se repasse la conversation avec Hendryx. Pourquoi Hendryx lui a-t-il parlé de sa femme, de l’accident ? Pourquoi lui a-t-il demandé s’il s’était déjà rendu à Denver, en janvier ? Pourquoi lui a-t-il raconté que le chauffard, qui n’a pas encore été arrêté, finirait par payer ? C’était comme si…

Comme s’il me soupçonnait, songe Cam.

Mais c’est fou. Pourquoi me soupçonnerait-il ? J’ai été à Denver deux fois en tout et pour tout dans ma vie, et je n’y ai jamais eu le moindre accident, pas plus là qu’ailleurs. Janvier. De la glace et de la neige. Pendant l’un de ses voyages, il neigeait, mais ce n’était pas en janvier. Enfin, il ne lui semble pas. Bon Dieu, et la fois où il a eu cet éblouissement, avec tout ce sang sur ses mains et sur sa chemise… oui, mais il avait saigné du nez, et puis, ça ne s’est pas passé à Denver. Portland ! C’est ça, c’était à Portland…

Mais qu’est-ce qui m’arrive ? C’est quoi cette façon d’appréhender les choses comme si je devais me convaincre moi-même que je ne suis pas coupable. Beloit, ce charlatan, dirait que je veux être coupable ; lui et ses foutues pulsions autodestructrices.



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