Le Joueur d’échecs by Stefan Zweig

Auteur:Stefan Zweig
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2012-07-14T16:00:00+00:00

Mario Adorf (Czentovic) dans l'adaptation cinématographique du Joueur d'échecs par Gerd Oswald (1960).

DOSSIER

1. Significations politiques et métaphysiques du jeu d'échecs

2. Échecs, exil, folie : de La Défense Loujine de Nabokov au Joueur d'échecs

3. Isolement carcéral contre univers concentrationnaire : témoignages

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Significations politiques et métaphysiques du jeu d'échecs

Les origines du jeu d'échecs

Sur la naissance des échecs, peu de certitudes, mais une floraison de mythes. Selon l'un d'eux, ils seraient dus à l'ingénieux Palamède, qui aurait trouvé ce moyen de distraire ses compagnons achéens pendant les longues années du siège de Troie. Occuper des soldats par un jeu simulant la guerre pour leur éviter de s'amollir dans une période d'oisiveté : on retrouve ce motif dans une légende chinoise attribuant l'invention à un général de l'empereur Liu Bang. Ainsi tenues en alerte, ses troupes auraient surmonté le temps mort des quartiers d'hiver et emporté la victoire une fois le printemps venu. Un siège encore, mais du côté de l'assiégé, tel est le cadre d'une autre légende selon laquelle la reine de Ceylan aurait inventé les échecs pour distraire son époux assiégé dans sa capitale par Rama, réincarnation du dieu Vishnu1.

Toutefois, la légende la plus célèbre insiste moins sur l'aspect de jeu militaire que sur celui de jeu politique symbolisant, et théorisant, l'exercice du pouvoir. Pour semoncer le rajah Balhait qui se comportait en tyran, un sage brahmane, dit-on, conçut ce jeu dans lequel le roi, pièce essentielle, ne peut cependant triompher sans l'aide de ses sujets. Enchanté de la leçon, le rajah lui offrit de choisir sa récompense et le brahmane lui demanda, avec une apparente modestie, une quantité de blé mesurée d'après le nombre de cases d'un échiquier : un grain sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, huit sur la quatrième, etc. Balhait le trouva moins modeste quand il découvrit que cela représentait une somme à vingt chiffres… La leçon politique semble donc impliquer qu'un bon souverain doit aussi être bon mathématicien.

Quel que soit leur vrai lieu d'origine, c'est avec leur introduction en Perse au VIe siècle après Jésus-Christ que les échecs déploient leur dimension de « jeu royal », inscrite dans leur nom même. Du persan shâh mat, « le roi est mort », dérive en effet leur nom en russe (shahmaty), en allemand (Schach), en italien (scacchi, qui a donné le français « échecs »). Ce shah au départ est secondé par un vizir qui ne deviendra reine que bien plus tard, à la Renaissance, avec la place croissante des femmes dans les jeux du pouvoir.

Repris des Persans par les Arabes qui, grands mathématiciens, le portent au rang d'art très raffiné, le jeu d'échecs est par excellence un jeu de cour, apprécié des califes abbassides qui, parfois, s'offrent le plaisir d'assister à la rencontre entre deux joueurs émérites. Ce jeu de cour conserve pourtant sa vertu de discrète semonce, ramenant le souverain à une certaine humilité. Comme le formule de façon frappante as-Suli (vers 880-946), l'un des joueurs d'échecs arabes les plus célèbres du

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