La Bête Humaine by Emile Zola

La Bête Humaine by Emile Zola

Auteur:Emile Zola [Zola, Emile]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Novels
Éditeur: Feedbooks (www.feedbooks.com)
Publié: 1890-09-14T16:00:00+00:00


Chapitre 8

A Paris le train n'entra en gare qu'à dix heures quarante du soir. Il y avait eu un arrêt de vingt minutes à Rouen, pour donner aux voyageurs le temps de dîner et Séverine s'était empressée d'envoyer une dépêche à son mari, en le prévenant qu'elle ne rentrerait au Havre que par l'express du lendemain soir. Toute une nuit à être avec Jacques, la première qu'ils passeraient ensemble, dans une chambre close, libres d'eux-mêmes, sans crainte d'y être dérangés !

Comme on venait de quitter Mantes, Pecqueux avait eu une idée. Sa femme, la mère Victoire, était à l'hôpital depuis huit jours, pour une foulure grave du pied, à la suite d'une chute et, lui ayant en ville un autre lit où coucher, ainsi qu'il le disait en ricanant, il avait trouvé d'offrir leur chambre à Mme Roubaud : elle y serait beaucoup mieux que dans un hôtel du voisinage, elle pourrait y rester jusqu'au lendemain soir, comme chez elle. Tout de suite, Jacques s'était rendu compte du côté pratique de l'arrangement, d'autant plus qu'il ne savait où mener la jeune femme. Et, sous la marquise, parmi le flot des voyageurs débarquant enfin, lorsqu'elle s'approcha de la machine, il lui conseilla d'accepter, en lui tendant la clef que le chauffeur lui avait remise. Mais elle hésitait, refusait, gênée par le sourire gaillard de celui-ci, qui savait sûrement.

« Non, non, j'ai une cousine. Elle me mettra bien un matelas par terre.

– Acceptez donc, finit par dire Pecqueux, de son air de noceur bon enfant. Le lit est tendre, allez ! et il est grand, on y coucherait quatre ! »

Jacques la regardait, si pressant, qu'elle prit la clef. Il s'était penché, il lui avait soufflé à voix très basse :

« Attends-moi. » Séverine n'avait qu'à remonter un bout de la rue d'Amsterdam et à tourner dans l'impasse mais la neige était si glissante, qu'elle dut marcher avec de grandes précautions.

Elle eut la chance de trouver la maison ouverte encore, elle monta l'escalier, sans être vue de la concierge, enfoncée dans une partie de dominos avec une voisine et, au quatrième, elle ouvrit la porte, la referma si doucement, que nul voisin, à coup sûr, ne pouvait la soupçonner là. Pourtant, en passant sur le palier du troisième, elle avait très distinctement entendu des rires, des chants, chez les Dauvergne : sans doute une des petites réceptions des deux sœurs, qui faisaient ainsi de la musique avec des amies, une fois par semaine.

Et, maintenant que Séverine avait refermé la porte, dans les ténèbres lourdes de la pièce, elle percevait encore, à travers le plancher, la gaieté vive de toute cette jeunesse. Un instant, l'obscurité lui parut complète et elle tressaillit, lorsque le coucou, au milieu du noir, se mit à sonner onze heures, à coups profonds, d'une voix qu'elle reconnaissait. Puis, ses yeux s'habituèrent, les deux fenêtres se découpèrent en deux carrés pâles, éclairant le plafond du reflet de la neige. Déjà, elle s'orientait, cherchait sur le buffet les allumettes, dans un coin où elle se souvenait de les avoir vues.



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