La dynastie rouge by Pascal Dayez-Burgeon

La dynastie rouge by Pascal Dayez-Burgeon

Auteur:Pascal Dayez-Burgeon [Dayez-Burgeon, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 2016-02-16T23:00:00+00:00


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La cérémonie des adieux

La retraite

A Pyongyang, il avait toujours été tabou d’évoquer la succession de Kim Il-sung. Envisager qu’un jour il puisse ne plus être aux commandes pouvait même relever du crime de lèse-majesté. Cela change à la fin de 1989. A près de quatre-vingts ans, le vieux dirigeant ne cache plus sa lassitude. Il a survécu à l’attaque cardiaque qui l’a terrassé à l’été 1986, mais sa silhouette s’est affaissée et sa voix s’est éraillée1. Depuis deux décennies, un dépôt de calcium a formé sur son cou, à la droite du crâne, une tumeur qui ne cesse d’enfler. Comme il a toujours refusé de se laisser opérer, elle a atteint la taille d’une balle de baseball et le handicape plus qu’il ne veut l’admettre. Quand ils en ont la possibilité, les médias du Sud se font un malin plaisir de souligner cette infirmité, comme s’il s’agissait de dénoncer un secret d’Etat. Ce n’est pourtant pas le cas. Certes, par pudeur, on ne photographie plus Kim Il-sung que du côté gauche. Mais les Nord-Coréens sont parfaitement au courant. Ils y voient la marque de l’âge et s’en apitoient.

Le régime décide de jouer de cette sympathie naturelle qu’inspirent les épreuves de la vieillesse. On met en avant la fatigue de Kim Il-sung, ce qui magnifie d’autant son dévouement. On s’efforce de lui faire plaisir et de lui éviter les déceptions. Mais les déconvenues s’accumulent. A partir de l’automne 1989, les régimes communistes de l’Europe de l’Est s’affaissent comme des châteaux de cartes. Le 25 décembre, Nicolae Ceausescu et son épouse sont fusillés à la va-vite. Kim Il-sung en éprouve du chagrin et surtout de l’inquiétude. Et s’il en allait de même en Corée ? Il multiplie les consignes de sécurité et change chaque soir de résidence. Mais le pire est encore à venir. En décembre 1991, Mikhaïl Gorbatchev n’ayant pu empêcher la sécession de tous ses membres, l’URSS est définitivement dissoute. Kim Il-sung affiche la détermination de Victor Hugo : « Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! » En fait, il est accablé.

Le temps lui semble donc venu de passer la main. Depuis l’automne 1986, c’est Kim Jong-il qui dirige le pays de fait. Il n’y a plus qu’à officialiser la situation. Comme toujours en Corée du Nord, le protocole est long et complexe. Le 24 décembre 1991, la veille du jour où Gorbatchev devait démissionner de la présidence de l’URSS, le comité central du parti des travailleurs confie à Kim Jong-il le commandement suprême de l’armée populaire. Le lendemain, tous les officiers généraux lui prêtent serment d’allégeance. Le 16 février suivant, Kim Jong-il a cinquante ans. Son anniversaire est célébré dans tout le pays avec un lustre inégalé. C’est lui désormais que les médias appellent le « Dirigeant suprême », réservant à Kim Il-sung le titre de « Père bien-aimé ». Le 9 avril, la Constitution de 1972 est réformée. Toutes références au marxisme-léninisme y sont supprimées au profit du seul juché. Le dernier obstacle idéologique à une succession monarchique est levé.



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