L'age de la folie 2 - Le problème avec la paix by Abercrombie Joe

Auteur:Abercrombie, Joe [Abercrombie, Joe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
Éditeur: Bragelonne
Publié: 2022-01-04T23:00:00+00:00

Un Chevalier du Corps s’éloignait de la loge royale en titubant. Sonné par l’explosion, il s’était empêtré dans son manteau rouge. Les Incendiaires, eux, étaient lucides et parfaitement préparés. La Juge adorait l’idée de verser du « sucre gurkien » dans la visière de ces types puis de leur foutre le feu. Mais Gus préférait une méthode plus pragmatique.

Briar jeta un filet sur le bras droit du Chevalier, histoire de le bloquer. Puis Rollow et Laws, d’anciens ouvriers du canal, bondirent sur leur proie, un marteau au poing. Visant d’abord les genoux et les coudes, ils n’eurent aucun mal à faire tomber le Chevalier. Dès qu’il fut à terre, Gus approcha, leva sa pique et l’enfonça dans le haut de son heaume.

Même s’il ne se voyait plus comme un ingénieur depuis longtemps, un plan bien conçu et bien exécuté lui faisait toujours plaisir.

Jadis, il était spécialisé dans la conception de roues à aubes. Plus spécialement chargé d’étudier l’influence des pentes et du courant. Un expert des barrages et des canaux à vannes. Son plan d’une usine à énergie marémotrice, à Sharnlost, lui avait valu une belle réputation. Mais pour être vraiment au top, il fallait aller à Adua. Du coup, il s’était inscrit à l’Université avec l’espoir de porter un jour la toge d’un Adepte en Mécanique. Quelle ambition minable !

Aujourd’hui, il chargeait au milieu de fumiers terrorisés qui couraient, imploraient, chialaient comme des mômes et saignaient comme des porcs. Son objectif ? La loge royale, vers laquelle il entraînait ses camarades.

— Pour le peuple ! cria-t-il. Pour le Grand Changement !

Les amphithéâtres de l’Université, dans ses magnifiques nouveaux bâtiments, n’abritaient que des professeurs gâteux et des idées dépassées. Les discours exaltants, on les entendait dans les salons de thé et les gargotes, à la lisière des quartiers pauvres. Là, des intellectuels montaient sur les tables pour dénoncer les injustices du système ou exposer des modélisations sur ce qui pourrait le remplacer. Inlassables, ils s’affrontaient, jouant à qui ferait la déclaration la plus radicale au bénéfice des petites gens, éternellement opprimés. Les petites gens en question, inutile de le préciser, n’avaient pas voix au chapitre.

Gus se souvenait encore de l’excitation de cette époque. La première fois qu’il croyait en quelque chose de plus grand que lui-même. Avec une sensation d’appartenance qui le grisait.

Enfonçant sa pique dans le dos d’un garde civil qui rampait comme une limace, il la retira aussitôt et eut l’absolue certitude qu’il n’avait jamais accompli une tâche aussi importante.

C’était à Valbeck, où il avait découvert les grandes cheminées, le brouillard et les taudis, qu’il avait entendu pour la première fois le Tisserand. Alors, il avait tout compris.

L’Union était une sorte de roue, mais pas conçue par un seul ingénieur. En réalité, elle défendait un réseau d’intérêts communs, d’influences secrètes et de cupidité collective. L’idée, c’était d’élever les riches et de rejeter à l’eau les pauvres. Eh bien, comme il était normal, cette roue allait tourner, noyant les privilégiés et élevant au pinacle les laissés-pour-compte. La justice, enfin. L’égalité, l’équité et l’abondance pour tous.

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