L’article de la mort by Pronzini Bill

L’article de la mort by Pronzini Bill

Auteur:Pronzini, Bill
La langue: fra
Format: epub
Tags: Série Noire
Éditeur: Série Noire
Publié: 1980-08-15T00:00:00+00:00


XIV

La route contournant la pointe nord de la baie était relativement neuve et en bon état mais glissante sous la brume, et mes pneus commençaient à être un peu lisses. Je roulai prudemment à quarante, en clignant des yeux dans les demi-lunes laissées par mes essuie-glaces grinçants.

Le port de pêche et de plaisance était situé dans le coin nord-ouest de la rade, en face de plusieurs maisons et cottages construits sur les pentes du promontoire. Il n’était pas très grand, disposé comme un W carré, avec trois longs pontons flanqués d’appontements, séparés par d’étroits chenaux mais reliés du côté de la terre par une passerelle. Il y avait moins d’une douzaine de bateaux amarrés là, la plupart des chalutiers.

Je me garai sur le bas-côté, traversai la route et descendis sur la rampe menant aux appontements. Le vent violent m’engourdit les joues et me fit pleurer ; entre ses gémissements, on entendait des coques s’entrechoquer. Tout me parut désert, à première vue, mais en arrivant au bout de la rampe, je remarquai du mouvement sur ma droite, à peu près aux deux tiers du môle flottant le plus proche. Je me tournai de ce côté-là. Je pus lire à l’arrière du bateau amarré Kingfisher et, dessous, Bodega Bay.

Je descendis par une courte échelle de fer sur le ponton et avançai prudemment le long des planches. Un type trapu et bien musclé, en jean et sweat-shirt, sans veste ni chandail, était à genoux sur le pont ; ses longs cheveux cuivrés flottaient au vent comme la crinière d’un cheval au galop. Le capot du moteur était ouvert et il y avait à côté une boîte à outils et tout un assortiment de clés et de pinces disposés sur une bande de toile. J’aperçus vaguement le moteur – un GMC 6-71 diesel – mais je ne pus voir ce que l’homme bricolait. Je m’approchai du bordé arrière et criai dans le vent :

— Ohé ! Ohé du bateau !

Il se retourna vivement, une clé à molette levée. Son sweat-shirt, ses bras et ses mains étaient maculés d’huile et de graisse. Il avait une figure sombre et maussade, un menton agressif et des yeux renfoncés sous d’épais sourcils, une de ces têtes qui séduit certaines femmes ; mais pour le moment il avait l’air nettement irrité. Ses lèvres étaient bleuies de froid ; je me demandai ce qu’il cherchait à prouver en restant dehors sans lainages.

— Qu’est-ce que vous voulez ? gronda-t-il.

— Vous êtes Andy Greene ?

— Et alors ? Qui êtes-vous ?

Je le lui dis et demandai la permission de monter à bord.

— Pour quoi faire ?

— Je voudrais vous parler…

— Je n’ai pas le temps de parler.

— Ce ne sera pas long.

— Je suis occupé, l’ami.

— C’est important. C’est au sujet de…

— Une autre fois. De l’air, l’ami.

Charmant garçon, me dis-je.

— Écoutez, l’ami, tout ce que je demande c’est quelques minutes de votre temps, quelques réponses à des questions sur Jerry Carding. Ensuite, vous pourrez reprendre votre bricolage et je vous foutrai la paix.

Il perdit un peu de son agressivité, mais pas entièrement. Il se releva et se tint en équilibre sur le pont dansant, les jambes écartées.



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