Homo Eroticus. Des communions émotionnelles by Michel Maffesoli

Auteur:Michel Maffesoli
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: CNRS
Publié: 2012-11-15T00:00:00+00:00

Au pivotement du temps inaugurant une mutation de fond (n’est-ce point cela ce qu’il est convenu d’appeler la crise ?) doit correspondre le décentrement d’un sujet intangible à partir duquel s’était élaboré le système moderne. Une métaphore astronomique peut nous aider à comprendre un tel processus. Contre le géocentrisme dominant, et à bien des égards sclérosant, Copernic élabore son hypothèse héliocentrique. Celle-ci mettra du temps à s’imposer, et non sans mal. Mais l’impulsion est donnée qui va féconder le développement scientifique ultérieur. Son traité, De revolutionibus orbium coelestium (1543), refusant à la terre tout rôle privilégié dans l’univers, permettra à Kepler, puis à Newton, de faire les découvertes que l’on sait14.

C’est un décentrement de cet ordre qu’il convient d’opérer pour bien saisir le nouveau rapport à la « terre-mère » qui s’amorce avec la reconnaissance de la diversité. En un mot l’écosophie souligne la saturation de l’anthropocentrisme et de l’individualisme qui en est l’expression. Notre hypothèse « héliocentrique » porte le nom de socius. C’est autour de cette vaste entité que les individus vont s’articuler entre eux. Socius constituant une somme n’étant pas réductible aux parties la composant. Bien plus, ces parties (les individus) étant conditionnées par l’ensemble qu’elles composent.

C’est bien cela que Durkheim nommait « holisme ». À savoir le fait que les consciences individuelles étaient déterminées par le social en son entier. Ce qu’il nommait la conscience collective. Cette dernière permet de dépasser le fixisme de l’individualisme (ordinaire, épistémologique, méthodologique) moderne, tout comme l’héliocentrisme de Copernic permit de montrer ce que le fixisme de la terre comme centre de l’univers avait de désuet et de complètement illusoire.

Rappelons également, sur une telle lancée, que l’astrophysique contemporaine, poursuivant ses investigations, montre bien que le système solaire est loin d’être unique. Il y a des « autres mondes », ce que rappelle la découverte de planètes extrasolaires ou « exoplanètes »15. N’est-ce point cela que souligne, sociétalement, le décentrement que nous impose la diversité : il y a de plus en plus d’exoplanètes dans le vivre-ensemble contemporain ?

Ces exoplanètes sociales, que sont-elles sinon toutes ces manifestations d’une société officieuse de plus en plus élargie ? C’est ainsi que pour une bonne part les tribus postmodernes ne se reconnaissent plus, pour l’essentiel, dans les valeurs ayant caractérisé le cycle moderne. En revanche elles assument, et parfois revendiquent, leurs différences et leur attachement à la diversité.

Diversités sexuelles : la liste est fort longue de toutes les spécificités, hautement proclamées, en ce domaine. Au travers d’un titre énigmatique, L’ombre de Dionysos, j’avais, il y a plus de trente ans, rendu attentif au fait que cette figure emblématique du plaisir d’être répandait son influence sur les mégapoles postmodernes. Il est éclairant de voir en quoi ce pronostic a été vérifié par le développement exponentiel de toutes les « perversions » sexuelles qui jusqu’alors se cantonnaient derrière le mur de la vie privée. Il est devenu d’une grande banalité existentielle de s’afficher de telle ou telle de ces tribus. Quant aux diverses « marche des fiertés

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