Décembre 2020 by Le Monde diplomatique

Décembre 2020 by Le Monde diplomatique

Auteur:Le Monde diplomatique
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Monde diplomatique
Publié: 2020-12-09T00:00:00+00:00


Une politique mercantile

Selon le dernier rapport de l’Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO) (7), une ONG hétéroclite qui réunit aussi bien le Gouvernement provisoire de l’État de Savoie que le Congrès mondial des Ouïghours, les diplomates et les fonctionnaires au DAES, à l’Ecosoc ou encore au Conseil des droits ont développé des techniques de blocage bureaucratiques sophistiquées à l’égard des militants : procédures d’accréditation qui traînent en longueur, intimidations, monopolisation du temps de parole… Plus que tout autre pays, la Chine y est régulièrement épinglée, aux côtés de la Russie et de l’Iran. En mars 2018, une résolution de procédure (qui nécessite neuf voix sans veto) permettant au haut-commissaire aux droits de l’homme de faire le point au Conseil de sécurité sur les violations des droits humains en Syrie a été rejetée après que la Côte d’Ivoire a voté contre. Beaucoup y ont vu le résultat d’une pression en sous-main de Pékin. En octobre, la Chine a obtenu le rejet d’une résolution de l’Assemblée générale contre la répression et la violation des droits des Ouïghours par cinquante-sept voix (dont celles de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis), même si elle perd un peu de terrain : trente-neuf pays ont voté pour, alors qu’ils n’étaient que vingt-trois un an plus tôt.

L’élection en 2019 — et dès le premier tour — de M. Qu Dongyu à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a été perçue comme un autre symbole de cette influence. Selon certains commentateurs, Pékin aurait bénéficié du retrait du candidat camerounais en échange de l’effacement d’une dette de 70 millions de dollars (8). Jean-Jacques Gabas, chercheur et spécialiste des politiques agricoles chinoises en Afrique, y voit un vote-sanction contre l’Occident de la part des pays africains, plutôt que le signe d’une véritable attirance pour la Chine. Le pari, pour ces pays, serait de renforcer leur pouvoir de négociation sur la scène internationale et d’accroître aides, investissements directs chinois et commerce. « Jusqu’à l’épidémie, nous explique-t-il, ce qui ressortait des discours de Qu Dongyu, c’est un accent très fort mis sur les nouvelles technologies, la 5G et la volonté de vendre un modèle d’intensification type “révolution verte”, comme on l’a connu dans les années 1960, avec des semences améliorées, des pesticides, etc. Il y avait peu de place pour l’agroécologie, la biodiversité. Le nouveau directeur général plaçait la Chine dans un rôle de leader. » Une politique plus commerciale que bien-pensante, destinée à trouver des débouchés pour les intrants agricoles — la Chine est le premier producteur mondial de phosphates. Depuis la crise sanitaire, Gabas remarque que les questions de bien-être social et de productions locales ont fait leur apparition. « Il y a une nouvelle dynamique. Qu Dongyu suit la tendance, qui va vers une remise en cause des pratiques antérieures, et reprend le discours de beaucoup d’États africains face aux effets négatifs du Covid-19. »

Le modèle de développement agricole prôné par Pékin est en effet loin d’être attractif pour des populations africaines en plein essor démographique et qui devraient rester majoritairement rurales jusqu’en 2050.



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