Comment rester écolo sans finir dépressif by LAURE NOUALHAT

Comment rester écolo sans finir dépressif by LAURE NOUALHAT

Auteur:LAURE NOUALHAT [Noualhat, Laure]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Tana
Publié: 2020-04-28T07:01:04+00:00


ÊTRE À DEUX, ET LE RESTER !

S’il est un endroit de notre vie affective où l’écologie peut provoquer des dégâts parfois irréparables, c’est bien le couple. Aucune statistique à ce jour sur le nombre d’amours fracassés par les questions écologiques et leur issue morose, il n’empêche que les histoires de séparation pour cause de visions parallèles, donc irréconciliables, sont légion. Elles révèlent tant de nous et de nos aspirations ! Après quinze ans d’efforts, Anthony est parvenu à se « dissocier », c’est-à-dire à cesser de parler du pic pétrolier à tout bout de champ à sa copine… sauf qu’en vérité ça l’emmerde un peu. Christophe, lui, est un pilier des rendez-vous parisiens consacrés à l’effondrement et travaille cinq jours sur sept sur le sujet ; il tait ses doutes au petit déjeuner et se désespère de ne pas avoir de Greta Thunberg à la maison en lieu et place de ses grands ados mous. Dans sa bande dessinée les Angles morts, Gwen de Bonneval9 saisit ce que les écologistes captent chaque jour : l’incapacité à être avec les autres et le superpouvoir du collapso à saouler sa compagne ou son compagnon. Un an après la naissance de leur fille, Camille et Éric s’offrent deux places pour écouter du Mozart au son d’un orchestre symphonique. Une soirée a priori légère, attendue avec impatience par Camille. « À l’entracte, je lui dis que j’adorerais qu’on emmène notre fille écouter cette beauté quand elle aura l’âge de l’apprécier. Ce à quoi monsieur a répondu : “S’il y a encore de la musique…” Je sortais d’un an d’allaitement, on devait passer une soirée tranquille, il m’a pourri mon moment. » De son côté, Éric a constamment l’impression de vivre une double peine : les pensées qui surgissent et le devoir de les taire. « C’est justement parce que c’était magnifique que j’ai pensé : “Dans vingt ans, si ça se trouve, ma fille ne pourra pas assister à des concerts de musique classique parce qu’il n’y en aura plus…” J’ai eu envie d’en parler à ce moment-là. » Camille le prévient : « On ne peut pas élever un gamin en étant toute la journée la tête dans l’effondrement, c’est hors de question. » Certes, mais celui qui baigne dedans a besoin de soupapes. « Après avoir étudié ça, après avoir ressenti la déflagration que ça représente, j’ai l’impression que les gens me renvoient comme une balle de jokari. Je sais, je suis seul, je souffre, et en plus je n’ai pas le droit de m’exprimer. Je trouve ça très injuste », se défend Éric. « Pour moi, c’est une histoire de moments », rétorque la jeune femme. Se posent alors des milliers de questions. Comment éduquer la bioté de dix-huit mois qui babille entre les deux ? Comment imaginer le futur si l’un pousse vers les tourbières d’Écosse et l’autre vers le dix-huitième arrondissement parisien ? Où ranger ce projet de deuxième enfant ? Que faire des voyages qu’on ne fera pas



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