1.L'Ile des chasseurs d'oiseaux by May Peter

Auteur:May,Peter [May,Peter]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782812603297
Éditeur: Babel Noir
Publié: 2011-05-08T22:00:00+00:00

La ferme de Gigs se trouvait, parmi d’autres, en dessous de Crobost, sur les pentes les plus basses. Une bande de terre étroite qui serpentait jusqu’aux falaises. Il y élevait des moutons et des poules, une paire de vaches, et y cultivait des légumes et de l’orge. Il pêchait un peu également, mais plus pour sa consommation personnelle que pour vendre. Il n’aurait d’ailleurs pas réussi à s’en sortir sans l’emploi à temps partiel de son épouse comme serveuse dans un hôtel de Stornoway.

Lorsque j’arrivai de Mealanais, la nuit était complètement tombée, et je m’assis sur la colline située au-dessus de la ferme de Macaulay, observant la fenêtre de la cuisine où se trouvait la seule lumière visible de l’extérieur. Elle projetait un long halo sur le jardin et je vis un chat le traverser, apparemment en train de chasser. Mon cœur battait, prêt à me sortir de la poitrine. Je me sentais aussi mal que si j’avais été malade.

Il y avait encore un peu de lumière dans le ciel, vers l’ouest, striée de longs nuages gris mauve. Il n’y avait pas de rouge dedans, ce qui n’était pas bon signe. Je me retournai pour observer la clarté qui achevait de disparaître et, pour la première fois depuis des semaines, j’eus froid. Le vent avait tourné. Ce n’était plus un vent tiède, presque doux, venant du sud-ouest. Il avait viré et amenait maintenant du froid, en provenance directe de l’Arctique. Il soufflait plus fort et je l’entendais siffler dans les herbes sèches. Le changement était en marche. Lorsque je me concentrai à nouveau sur la ferme, je vis une ombre à travers la fenêtre de la cuisine. C’était Gigs. Il faisait la vaisselle. Il n’y avait pas de voiture garée dans l’allée, ce qui voulait dire que sa femme n’était pas encore revenue de la ville. Je fermai les yeux, les poings serrés, et pris ma décision.

Il ne me fallut que quelques instants pour descendre de la colline et rejoindre la ferme. Mais, alors que j’atteignais la route, une paire de phares surgit brusquement au sommet de la côte et balaya la lande dans ma direction. Je me dissimulai derrière la clôture, accroupi parmi les roseaux, et vis la voiture emprunter l’allée et se garer à côté de la ferme. La femme de Gigs en sortit. Elle était jeune, peut-être vingt-cinq ans. Une jolie fille, encore vêtue de son chemisier blanc et de sa jupe noire. Elle semblait fatiguée, la démarche traînante. Lorsqu’elle ouvrit la porte de la cuisine, à travers la fenêtre, je vis Gigs la prendre et la serrer longuement dans ses bras, puis il l’embrassa. J’étais profondément déçu. Je ne pouvais pas avoir cette discussion avec sa femme dans les parages. Je me relevai, sautai la clôture et enfonçai mes mains dans mes poches, m’éloignant en direction du bar de campagne, sur la route de Habost.

Il en restait très peu depuis les dernières descentes de police. Je n’avais jamais compris quel problème cela posait. Ils n’avaient peut-être pas d’autorisation, mais ce n’étaient pas des lieux qui brassaient beaucoup d’argent.

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