030 - Tu vas trinquer San-Antonio (1958) by San-Antonio

030 - Tu vas trinquer San-Antonio (1958) by San-Antonio

Auteur:San-Antonio [San-Antonio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: San-A
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE NINE

LA POUDRE D’ESCAMPETTE.

Quand Fume-cigare, le mecton aux tifs plaqués argent, se la radine pour la seconde fois, il y a un demi-litron de mon raisiné dans le bocal en pyrex et je commence à me sentir un peu mollasson des cannes.

Son barreau de chaise maintenant est à peine long de quatre centimètres, cendre comprise.

Mon interlocuteur, flegmatique, s’annonce et murmure :

— Quelle décision ?

— Je vais tout vous dire.

Il réprime un sourire et se contente de branler le chef (lequel s’en trouve ravi, je pense).

Alors là, il se passe quelque chose, les enfants. A l’instant précis où je vais pour m’allonger, pour en croquer, pour me mettre à table, une pensée me vient qui me flétrit la conscience, si j’ose ce sémaphore hardi.

Les plans, je vous l’ai déjà bonni because je n’ai pas plus de secrets pour vous que je n’ai de respect, les plans, disais-je, sont actuellement dans le coffre du commandant de Liberté. Or suivez des yeux la trajectoire fluorescente de mon raisonnement : ce barlu est à quai pour vingt-quatre heures encore. C’est plus qu’il n’en faut à une organisation comme celle-ci pour manigancer un coup fourré. Ces gens doivent avoir des casseurs professionnels au pedigree long commako ! Or j’ai vu le coffre du commandant ; à vrai dire, ça n’est pas exactement un coffre, mais le modèle au-dessus de la tirelire moyenne. Une lime à ongles ou un cure-dents suffirait à un spécialiste pour en avoir raison…

Alors, pas de ça, Lisette ! comme disait le mari de ma cousine Lise. (Il était garde-barrière dans l’aviation à l’aéroport de Bourg-Moilœil. Quand il venait passer huit jours à Paris, sans ma cousine, il appelait ça « la semaine de sucette. »)

Le cher hôte pige avant que je ne lui signifie mon changement de direction. Ce sont des choses qui ne trompent pas un psychologue comme lui.

— En tout état de cause, déclaré-je d’une voix défaillante, je vais parler pour vous donner un bon conseil… celui d’aller vous faire cuire un œuf !

Pour la première fois, l’homme perd son contrôle. Si vous le trouver, rapportez-le-lui dare-dare, car c’est le gars Mézigue qui en subit les conséquences. Voilà-t-y pas ce salaud qui me file son cigare incandescent sur le dos de la paluche.

Une odeur de porc grillé emplit l’atmosphère. Je fais la grimace, mais c’est tout !

— Le coup du cigare, fais-je, mon pauvre homme, t’étais pas au monde qu’on me le faisait déjà. Tu n’espères pas avoir, avec une malheureuse petite brûlure, un descendant de Jeanne d’Arc ! Non ?

Voilà c’est parti. Qu’ils me saignent à bloc…

Ce sont mes dernières paroles. Pertinentes, n’est-ce pas ? Après cet effort, j’ai la pensarde qui se ramollit comme du goudron au soleil. Je vois mes tourmenteurs danser une sarabande de salopards devant moi, à travers une plaque de verre dépolie. Et puis je m’écroule en dedans.

Good night !

Il doit se passer du temps. A travers mon coma, j’ai très confusément conscience d’une durée… longue… Parfois, je perçois un bruit, ou bien une lumière… Puis je replonge dans le noir.



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