02 Les étoiles du Sud by Julien Green

Auteur:Julien Green [Green, Julien]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2014-12-15T05:00:00+00:00

* * *

1.

Cromwell.

2.

Sapristi !, ou : Mince alors !

CHAPITRE XCII

Hargrove acheta la maison à un prix totalement déraisonnable, mais cette folie lui permit de retrouver son assurance, de respirer à pleins poumons, et il jouissait de croire une fois de plus en lui-même… Mrs. Devilue Upton Smythe descendit de ses hauteurs et lui parla avec une sorte de considération qui le réconforta grandement, comme si, d’une manière inexplicable, sa conscience le laissait en paix, mais quel rapport ? Il ne cherchait pas à savoir, il était résolu de ne plus s’interroger sur lui-même. A présent, il était propriétaire d’une des demeures les plus riches et les plus admirées de Savannah. Elle était belle de haut en bas, de la toiture aux soupiraux, et, à chaque fois que soufflait le vent, le grand sycomore la saluait. Telle était la magie de plusieurs poignées d’or. Elle vous libérait de je ne sais quoi d’encombrant.

Aussi les premières journées en Georgie furent-elles agréables malgré le souci que lui donnait encore ce qu’il appelait à part soi le problème de Laura. Un jour qu’elle se trouvait seule avec lui, Maisie Llewelyn lui en parla rudement :

— Willy, vous n’êtes pas capable de vous occuper de ces choses. Gardez votre maison, elle est sans prix, mais n’essayez pas de vous installer dans une ville devenue tragique. Allez à Maçon, ou à Augusta, qui vous fourniront tous les moyens d’explorer la Georgie. Il y a sûrement des plantations à vendre. La vie vous sera plus facile à recommencer là où personne ne vous connaît, et la nature est magnifique dans ces régions.

— Laura, Maisie ?

— Laissez-la-moi. Je me charge de la petite. J’ai pris mes renseignements. Je sais ce que je fais. Elle sera en bonnes mains, mais vous ne la verrez plus jusqu’à l’événement.

— Je ne veux plus la voir, fit doucement Hargrove.

— Alors, vous serez un père dénaturé.

— Cessez de me tourmenter, Maisie. Il est trop évident que la Providence veille sur moi et je n’ai rien à me reprocher. Laura s’est conduite en fille indigne, elle n’a jamais été mariée.

— Si. Siverac vous l’a dit comme moi.

— Alors j’en veux la preuve et la preuve écrite.

— Portée par un ange du Paradis, sans doute. Vous me faites honte, William Hargrove.

— Je n’ai plus besoin de vos leçons. Puisque vous voulez vous charger de Laura, je vous la confie de grand cœur. Voyez là une marque de mon estime.

— Je me retiens de vous dire ce que je pense de vous. Haïti n’est pas si loin.

— Haïti, c’est un passé qui n’existe plus et dont nous ne parlerons jamais plus.

— Souhaitons que vous ne rencontriez jamais M. de Siverac, il pourrait vous en faire ressouvenir.

— Maisie, il y a des moments où je cesse de me trouver content de vous voir.

— Et nous sommes tout juste dans un de ces moments. Ah ! quel malheur ! Mais cette Providence dont vous parliez tout à l’heure a permis que je sois là avec une mémoire tenace

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