02 Le Miroir de Bouddha by Winslow Don

Auteur:Winslow,Don [Winslow,Don]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782070493432
Éditeur: Gallimard
Publié: 1996-01-01T00:00:00+00:00

10

Au début, Neal voulut s’évader.

Ça aurait dû être facile : ses gardiens étaient un jeune fou et un vieux patriarche. Neal leur donna des surnoms subtils. Il appela le jeune « Marvel » et le vieux « le Vieux ». Neal faillit tenter de leur échapper quand ils le désapèrent. Marvel restait non loin brandissant son coutelas pendant que le Vieux confisquait à Neal sa chemise, son pantalon, ses chaussettes et ses chaussures. Neal pensa qu’il pouvait peut-être s’emparer du coutelas, neutraliser Marvel et filer. Mais il ne s’était attendu ni à ce que le Vieux soit si rapide ni aux menottes – rouillées et d’une largeur comique, on aurait dit un accessoire d’une pièce de boulevard. Et il ne s’était pas attendu non plus à ce qu’elles soient si lourdes. Menotté, immobilisé, et nu comme un ver, il comprit qu’il n’avait aucune chance, aussi regagna-t-il bien gentiment sa niche quand le jeune le poussa pour qu’il monte par l’échelle.

Il se dit qu’il pouvait peut-être attendre que ça se passe. Simms devait ratisser la ville au peigne fin pour le retrouver, suivant sa trace, devinant qu’il était quelque part dans ce no man’s land. Sûrement, d’un instant à l’autre, la porte allait être défoncée, et Simms, à la tête d’un groupe de tueurs efficaces, le tirerait de là. D’un instant à l’autre…

D’un instant à l’autre devint d’une heure à l’autre puis d’un jour à l’autre tandis que Neal s’efforçait de ne pas perdre la notion du temps. Ce dut être au cours de la deuxième semaine qu’il fut si malade. Il avait pris l’habitude de compter les jours grâce aux bols de riz, car on lui en donnait un par jour. En réalité, ce n’était pas vraiment du riz, mais plutôt une espèce de bouillon au riz, une mixture aqueuse, dégueu, où flottaient quelques malheureux grains de riz et Dieu sait quoi d’autre. Il n’avait jamais été doué pour manger avec des baguettes, et les menottes n’arrangeaient rien, surtout depuis que ses poignets étaient à vif à cause du poids du métal rouillé. Mais il se forçait à porter le bol à sa bouche et à enfourner la nourriture. Et il se résigna à utiliser le seau qu’ils lui avaient donné comme pot de chambre ; un seau que Marvel vidait une fois par jour, et encore quand il s’en souvenait.

Ainsi, en se fiant aux bols de riz, il se dit que ce fut au cours de la deuxième semaine que ses intestins devinrent du napalm, et que commencèrent les expulsions violentes et incontrôlables de diarrhées verdâtres. Impossible de se retenir. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était se tordre de douleur sous les crampes, et au bout d’un moment, il ne fut même plus capable de faire ça. Il gigotait dans sa merde, puis restait étendu en attendant le prochain spasme.

Marvel trouvait ça drôle, mais le Vieux, qui trouvait ça chiant, gueula après lui et lui confisqua son seau au nom de la vieille théorie « tu t’en sers ou tu t’en passes », supposa Neal.

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