Yogi stripper by Marie-Claude Renaud

Auteur:Marie-Claude Renaud [Renaud, Marie-Claude]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Récit(s), Autobiographie, Humour, Québec, Littérature québécoise
Éditeur: La Mèche
Publié: 2023-03-15T19:18:07+00:00

Un de mes bons clients m’avait fait découvrir le yoga. Pendant que Jordan était à l’hôpital, j’en avais profité pour me faire gâter par François. Il s’était risqué à m’inviter à une classe et j’avais dit oui. Il m’avait emmenée dans un studio de yoga et ensuite, on était allés souper. Je lui avais parlé de mon chum pour le refroidir, pour qu’il comprenne qu’entre nous, c’était purement professionnel. J’aimais bien passer du temps avec lui, si et seulement si j’en retirais quelque chose de concret.

Quand Jordan est parti, ça faisait trois mois que François me faisait danser tous les vendredis au club. Plus les semaines passaient et plus il fallait prendre le temps de parler avant d’aller dans les cabines. Plus les semaines passaient et plus le regard de François devenait amoureux. C’était insupportable. Après notre souper/yoga, c’est devenu pire. Mais quand il a su que j’étais rendue célibataire (moi pis ma grande gueule !), il a fallu que je donne un grand coup.

J’étais là pour vendre des danses, pas pour briser des cœurs. Je voulais pas faire comme certaines filles… J’avais vu ça cent fois, des danseuses siphonner des clients qui avaient eu le malheur de tomber en amour. J’avais trop de scrupules pour faire ça. Même si François était ma garantie de faire au moins trois cents dollars tous les vendredis, fallait que je lui donne sa notice.

J’ai fini par lui dire que je pouvais plus danser pour lui. Ce que tu cherches, c’est une blonde… T’es pas venu cogner à la bonne porte. Je l’ai réconforté : Fais-toi-z’en pas. T’as de l’argent, tu parais bien, t’es en forme… Sors des clubs de danseuses et va cruiser dans le vrai monde, tu vas vite trouver.

Moi, j’étais bien contente de lui prendre son argent. Mais j’avais pitié de lui avec son air de piteux pitou. Après Jordan, des faces qui me supplient du regard, j’en avais mon truck. Je préférais faire moins d’argent et garder bonne conscience. Trois cents piastres par semaine, c’était pas assez pour que je marche sur mes valeurs. Cracher sur du cash par principe, c’est un privilège, je le sais ! On peut pas tout le temps se le permettre… À ce moment-là, moi je pouvais.

François est revenu le vendredi suivant. Inquiète-toi pas, je vais pas te faire danser. Je voulais juste te voir. Je suis restée calme, mais mon sourire s’est changé en air bête. J’allais pas perdre mon temps à parler avec lui si y avait pas d’argent à faire au final. Je suis ici pour travailler ! À moins que tu sois là pour faire danser d’autres filles ou pour faire rouler la barmaid… Sinon, t’es mieux de t’en aller.

Des fois, faut être méchant pour être compris. La méthode polie, la méthode douce, même la méthode ferme, ça marche pas avec les cœurs obstinés.

À lui voir la face, il avait compris. Mais comme j’étais maintenant membre de la même école de yoga que lui, on allait continuer à se croiser. J’avais kiffé raide.

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