Y a-t-il une vie sexuelle après la mort ? by Vladan Radoman

Auteur:Vladan Radoman [Radoman, Vladan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

La correspondance de Zlatko n’était pas très abondante. Ou alors il supprimait son courrier au fur et à mesure. Une dizaine de missives, toutes signées de noms de femmes. J’en relevai plusieurs de Nadia, les autres provenant d’Ingrid, d’Olga et d’une anonyme qui se faisait appeler X. Une seule de Sacha. La seule aussi qui ne relevait pas d’un délire érotique, du genre sado-maso qui me révulsait. Sacha ne faisait que commenter un poème que Zlatko lui aurait envoyé, selon la datation très spéciale de sa machine, un 10.12.1913. Un vrai travail d’instit. Analyse du sujet (la guerre, l’amour, la mort évidemment), réprimandes sur la forme (trop libre, rimes milles) et sur le message (noir c’est noir, comme chantait l’autre).

C’est la dénommée Ingrid qui décrochait la palme dans la catégorie poids lourds. J’imaginais les avertissements qui auraient pu être inscrits sous son texte : autorisation parentale conseillée, interdit en dessous de trente ans, aux cardiaques, aux notaires, aux médecins… Une salope, championne ès perversités et fière de l’être. Avec un certain dégoût, je repensai à Zlatko. Il pleurait sur les fées du Danube, il roulait avec mille précautions dans sa bouche un mot aussi sain et simple que « pitchka » sans jamais oser le prononcer, et maintenant il se vautrait dans une prose digne des conversations d’un club échangiste. Nadia et Olga étaient plus modérées. Ou manquaient d’imagination. Ou de moyens. Elles ne faisaient que sucer. D’un banal… Je refis défiler les messages, les relus avec plus d’attention, notant les dates sur un bout de papier.

Il en avait eu des rendez-vous, mon ami. Pas tous à l’« Harmonica ». Une fois sur deux, il était question aussi d’un « Studio un » où des plaisirs indescriptibles l’attendaient. À deux reprises, Ingrid parlait aussi d’une dette que Zlatko devait lui rembourser justement le 16 novembre, jour de son anniversaire, et qui se trouvait être aussi le jour d’un des meurtres en série. Je ne pus relever aucun rapprochement significatif dans les autres dates.

Il me fallait une dose bien plus importante de scotch pour me rincer la bouche et effacer le goût des amours rances de Zlatko. Je ne m’en privai pas, et, poussé par la fringale, me servis une louche de ragoût dakatine. Drôlement épicées, ces cacahouètes ! Tant mieux, cette brûlure sur la langue camouflait complètement le doux écœurant des arachides. Allons, la souris, on a encore du boulot. Mais tu es complètement paf, ma petite. Ce n’est quand même pas un tiers de la bouteille de J & B qui te fait perdre le nord ? Ou… je n’ose pas y croire… ce ne serait pas Taylor qui nous aurait assaisonné ça avec une de ses herbes africaines ? Allez, un petit effort… Pointe là-haut… là où on était… Je vais voir ce qu’il me reprochait, ce salaud… Non, pas là, patate… bon, reste là quand même… Encore un projet…

« Il était une fois un pays. Comme partout ailleurs, il y avait des plaines, des montagnes et des fleuves, des oiseaux, des fleurs, des champs de blé, du houblon et du maïs.

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