Voyage au Congo (Carnets de route) by André Gide

Voyage au Congo (Carnets de route) by André Gide

Auteur:André Gide [Gide, André]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Carnets de route
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2009-11-01T04:00:00+00:00


26 novembre.

Enfin un jour splendide. Le premier matin clair depuis longtemps – il me semble même que, depuis que je suis en A. E. F., nous n’avons jamais eu que des matins gris et brumeux. Oh ! le ciel n’était pas parfaitement pur, mais la lumière était chaude et plus abondante que jamais. Est-ce seulement à cause d’elle que le pays m’a paru beaucoup plus beau ? Je ne crois pas. Des affleurements de roche donnaient par instants un dessin plus marqué ; d’énormes boulders de granit. Les arbres, pas plus grands que ceux de nos pays, formaient dans la savane une sorte de forêt claire continue. Parfois quelques rôniers. Le ciel était d’un bleu profond et tendre. L’air était sec, léger. Je respirais avec délices et tout mon être s’exaltait à l’idée de cette longue marche, de cette traversée de l’immense pays qui s’étendait lointainement devant nous.

Rien à noter, du reste, que le repas au bord d’une rivière, puis, sous l’ardent soleil, plus tard, la traversée de la Mambéré, où nos tipoyeurs se baignent. Marc me retient d’en faire autant. Je me soumets en maugréant.

À une grande distance de Baboua, les nouveaux chefs viennent à notre rencontre. Ce sont les deux frères du chef reconnu par l’administration française, lequel s’est enfui tout dernièrement au Cameroun, avec les 700 francs que l’administrateur lui avait remis pour payer des nattes, travail des hommes de son village{61}. Ces deux nouveaux chefs sont à cheval et se dressent devant nous, la lance haute pointant vers nos tipoyes, et poussant des cris si farouches que je crois d’abord qu’ils veulent nous empêcher d’avancer. Un des chevaux rue, crève un tam-tam et bouscule le tipoye de Marc. Je mets pied à terre et m’avance en souriant. Explications, grand désordre – puis l’avant-garde que nous formons se remet en marche, précédée de cinq cavaliers, dont les deux chefs non reconnus, très beaux dans leurs vêtements arabes que le vent de leur course gonfle et fait flotter autour d’eux. Nous avons pris sur nos boys et nos porteurs une forte avance et tandis que j’écris ces notes, après nous être rasés, rafraîchis, avoir dégusté mandarines et bananes, nous les attendons encore.



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