Une histoire des miracles by Histoire

Auteur:Histoire [Histoire]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Très vite, le Père saint est dépassé par sa réputation, d’autant plus que les journaux en rajoutent. Ses supérieurs ecclésiastiques cherchent en vain à le protéger des excès de la piété populaire. Quand il meurt, usé par son apostolat au service des pauvres et des malades, ses obsèques sont triomphales.

Si Eustáquio Van Lieshout est le plus connu des thaumaturges du Brésil, il est loin d’être le seul. Tout aussi célèbre est António Ribeiro Pinto (1879-1963), un métis du diocèse de Mariana et curé d’Urucânia, appelé « le Père des pauvres ». Il est devenu thaumaturge sans le vouloir après la Seconde Guerre mondiale, en bénissant les malades pauvres qui ne pouvaient payer ni remèdes ni médecins, et qu’il entendait par là réconforter. Les guérisons extraordinaires se multipliant à son contact, il s’est mis à bénir l’eau, les cierges, les médailles, pour détourner l’attention de ses dons extraordinaires. Il lui arrivait de se trahir, en désignant, parmi les milliers de pèlerins qui affluaient auprès de lui, ceux qui étaient appelés à guérir. Inlassable propagandiste de la Médaille miraculeuse, il attribuait à la Vierge les miracles dont on le créditait. Après sa mort, sa maison fut transformée en musée, la « maison des miracles », et son tombeau est toujours le but de pèlerinages assidus. Le livre que Margarida Drummond lui a consacré sous le titre O padre do Povo (2005) semble préluder à l’introduction de la cause de béatification de cette figure exceptionnelle.

Donizetti Tavares de Lima (1882-1961), fils d’un avocat mélomane qui avait donné à ses quatre fils le nom de musiciens célèbres en guise de prénoms, est connu comme le « thaumaturge de Tambau », paroisse du diocèse de Campinas dont il fut le curé jusqu’à sa mort. Sa réputation ayant commencé à se répandre à partir de 1954-1955, des milliers de pèlerins – de dix mille à trente mille par jour – venaient de toutes les régions du Brésil pour recevoir sa bénédiction, et on faisait circuler des feuillets relatant les miracles qu’il opérait : guérisons spectaculaires de paralysies, de rhumatismes, etc. Sa cause de béatification a été introduite en 1996.

Plus complexe, le cas de Cícero Romão Batiste (1844-1934) illustre la dichotomie qui existe entre catholicisme institutionnel et religion populaire, le premier reposant avant tout sur ce que le sociologue Pedro A. Ribeiro de Oliveira appelle la « constellation sacramentelle » – où le contact de l’homme avec le sacré s’établit par la médiation des clercs et de la hiérarchie – et, accessoirement, sur la « constellation dévotionnelle » des rites, fêtes, processions, neuvaines, tandis que la religion populaire puise son dynamisme avant tout dans cette même constellation dévotionnelle, puis dans celle des protections : intercession des saints ou de personnages tenus pour tels, morts ou vivants, dont le fidèle attend une efficacité concrète au fil d’interventions particulières. Cette dernière constellation est, à l’évidence, un terrain particulièrement propice à l’émergence du miracle ou, tout au moins, du merveilleux.

Cícero Romão Batista était vicaire de Juazeiro do Norte, une localité du

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