Une croix dans le sable by Brisou-Pellen Evelyne

Auteur:Brisou-Pellen, Evelyne [Brisou-Pellen, Evelyne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 2019-09-06T04:00:00+00:00

14

Alerte !

Ils ne s’arrêtèrent qu’en arrivant en vue de la cabane du cordier. Là, dominant le village et la mer, ils s’assirent sur une pierre pour reprendre leur souffle.

— Pas un mot, hein ? chuchota enfin Lancelot d’un ton expirant.

Et il leva les yeux vers la grande baie blanche qui s’étirait au soleil. Jamais il n’avait été plus heureux de la retrouver. Nulle part ailleurs l’eau ne montait comme ici, en glissant sur le sable une jolie langue ourlée de blanc.

— On ne parle même pas de la bagarre au menhir, reprit-il. Compris ? Sinon ça prouvera qu’on y était.

Bonie secoua nerveusement la tête, ce qui ne rassura aucunement Lancelot. Sa sœur avait été très effrayée et semblait toujours sous le choc. Il valait mieux attendre qu’elle ait repris figure humaine. Lui aussi, d’ailleurs, avait encore les jambes flageolantes.

Ils repartirent quand ils sentirent qu’ils avaient bien toute leur tête. Toute leur tête, c’était vite dit, et Lancelot s’inquiétait pour Bonie. Mentir la rendait malade, rien que l’expression de son visage la dénonçait. Il réalisa qu’il aurait été plus inspiré de lui faire prêter serment : avec un serment, on n’avait pas l’impression de mentir, juste de respecter sa parole. Seulement, c’était trop tard, ils arrivaient à la maison.

Louise avait préparé des galettes de blé noir, plus économiques que le pain car on pouvait moudre soi-même le grain : on n’était pas obligé d’utiliser le moulin du seigneur et, donc, de payer.

Lancelot voyait le trouble sur le visage de Bonie et il sut qu’elle allait craquer. Il chercha vite quelque chose qui détourne son attention et se rappela fort à propos la question qu’il voulait poser à son père depuis longtemps :

— Pourquoi est-ce que, l’autre jour, on t’a fait remarquer que tu étais bien placé pour connaître les pèlerins du Tro-Breiz ?

— Parce que… j’ai moi-même accompli ce pèlerinage.

— Tu ne nous l’avais jamais dit !

— Non ? C’est que ça n’a pas une grande importance… Et il y a si longtemps.

— Avant notre naissance ? demanda Lancelot. Alors c’est peut-être ça qui vous a permis d’avoir des enfants, à maman et toi.

— Peut-être, dit Eder. Enfin… nous avions déjà Louise.

— J’ai déjà accompli un pèlerinage, moi ? s’exclama Louise, amusée.

— Tu avais deux ans. Et, à la vérité, tu n’as pas marché tout le temps.

Eder lui adressa un clin d’œil et ils rirent ; même Bonie, qui sembla un peu se décongestionner.

— Vous marchiez dans quel sens ? demanda Lancelot.

— Dol-de-Bretagne, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Tréguier…

Lancelot le regarda, intrigué.

— Dans cet ordre-là ? Mais, en partant de Saint-Michel, c’est d’abord Tréguier. Ou alors, si on choisit l’autre sens, Saint-Pol-de-Léon. Ensuite Quimper, Vannes et Dol…

Eder hésita un instant, puis il sourit.

— Je vois que mes leçons de géographie ont porté leurs fruits. Nous ne sommes pas partis de Saint-Michel. Nous n’habitions pas ici.

— Ah bon ? Et où, alors ?

— … Loin… Vous ne connaissez pas.

Les trois jeunes regardèrent leur père avec étonnement. Il paraissait très mal à l’aise.

— Ça s’appelait comment ? insista Lancelot.

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