Train perdu wagon mort by Jean-bernard Pouy

Auteur:Jean-bernard Pouy [Pouy, Jean-bernard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman noir
ISBN: 9782757808207
Éditeur: la vie du rail
Publié: 2008-03-19T23:00:00+00:00

***

Rêveuse, elle était assise à sa place.

— Ça ne va pas ?

— Rien ne va, François, rien ne va. Ces chevaux, ça m’a tuée. Ils sentaient la mort. Des bêtes folles de douleur. Ils fuyaient, mais quoi ?… En tout cas, ils avaient l’air de foncer vers une sorte de paradis des canassons. Qu’ils ne rejoindront jamais.

Et elle s’est mise à pleurer doucement. Je l’ai embrassée et je suis monté sur les banquettes pour inspecter le compartiment, centimètre par centimètre.

— C’est des conneries, le truc de la télé, elle a sangloté.

Dix minutes après, je ne voyais absolument pas où pouvait être planquée une caméra. Des micros peut-être, derrière des panneaux de bois, mais je n’y croyais plus. J’avais même examiné de près tout ce qui était veilleuse, loupiote, plafonnier, fausses vis… Rien.

Violette ne pleurait plus, prostrée, près de la fenêtre, le regard perdu.

Je suis sorti.

Dans le wagon, tout le monde s’était affairé, procédant sans doute de la même façon que moi. Nous étions tous bredouilles.

Albert m’a attiré dans son compartiment. Martine, sa collaboratrice, s’est assise, en se blottissant contre lui, comme si son homme était le dernier, mais efficace, rempart face à la barbarie.

— Je peux vous poser une ou deux questions ?

J’ai opiné, de la tête. Mais je pensais à Violette.

— S’il y avait une guerre en Zoldavie, ça serait entre qui et qui ? Excusez-moi, c’est un peu brutal, mais faut bien envisager toutes les possibilités.

— À part une intervention étrangère, je ne vois pas. Et même dans ce cas, il y aurait eu des signes. Les pays limitrophes n’ont pas, pour l’instant, les moyens de mener ce genre d’opérations… Une guerre, ici, ça ne serait pas du gâteau…

— Même civile ?

Je me suis assis. À ce tarif, ça risquait d’être long.

— Bof… Il y a une certaine stabilité politique. Pourtant, tout le monde sait qu’elle est fragile. La Polipôlz tient le pays et je ne la vois pas tenter un putsch. Quand on a le pouvoir, même occulte, on ne se lance pas dans ce genre d’entreprise…

— Des minorités ?

— Il y a les Latutches, quinze pour cent de la population. Mais ils sont bien admis, jamais ils n’ont levé ne serait-ce que le petit doigt. Ils n’ont même pas de Front de Libération ou un truc plus ou moins officiel comme ça… Ils ont même abandonné leur langue. Un modèle d’intégration. À moins qu’ils aient bien caché leur jeu… Mais c’est improbable.

— Et les mafias ? Toutes les mafias… Elles adorent le chaos. Ça rapporte toujours…

— L’armée et la police zoldaviennes s’en occuperaient. Tous en profitent. On ne casse pas la poule aux…

— Œufs d’or, je sais.

Il m’a regardé longtemps. Visiblement abattu. Ça l’aurait rassuré de savoir qu’un peu plus loin, le pays était à feu et à sang, ayant enfin une raison valable pour expliquer tout ce bordel, notre abandon, les avions militaires, les chevaux fous…

— Et s’il y avait malgré tout la guerre ? En admettant ce qui vous paraît impossible…

— J’espère que notre ambassade bougerait.

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