Tout blanc by Frédéric Ploussard

Auteur:Frédéric Ploussard [Frédéric Ploussard]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Héloïse d'Ormesson
Publié: 2023-08-04T09:14:35+00:00

33

Arsène reposa son verre en soupirant. Mélina dardait sur lui des yeux bien colère. Le salon était en désordre. Derrière sa femme, par la baie vitrée de la terrasse, des flocons de la taille de couilles de taureau tombaient avec une désarmante régularité. La dernière corrida autorisée s’était tenue dix ans auparavant. Arsène se demanda ce qu’il avait à comparer cette maudite précipitation aux fiers attributs d’un bovin de compète poursuivi par un type bizarrement fagoté. Ah si ! ça lui revint, Mélina…

– … Non parce que franchement, Arsène, tu lui en as servi des courbettes au maire depuis la mort de ton père, et au Centre du Tout, on a fait le job ! Sans nous, ils l’auraient fermé depuis longtemps, et s’il a pu faire son essai à la con, c’est aussi grâce à toi. Et tout ça pour quoi ? Pour nous baiser, mon chéri ! Tu n’as même pas pu l’avoir au téléphone. Et qu’il nous mette au chômage en fermant le Centre alors qu’on y est coincés et qu’on vient d’embaucher, c’est le pompon !

Voilà, c’était pour cette raison : parce que personne ne le soupçonnait d’avoir des couilles de taureau. Dans cette pièce, en tout cas. Il tenta de se donner une contenance :

– Je lui ai fait part de mon mécontentement, tu peux me croire. Je lui ai laissé plusieurs messages, et concernant l’essai, tu as ta part de responsabilité.

Il avait la tête qui tournait. Ce n’était pas son premier verre de la journée et il n’était pas habitué à boire. Il avait tout perdu. Le Centre était fermé, la neige s’accumulait, la nouvelle collection et les casquettes allaient moisir dans les cartons au fond des ateliers. Et Tapinski, ce cinglé, était aux abonnés absents depuis l’aérodrome.

Tant d’espoir et si proche du désespoir à présent. Tout perdu sauf Mélina, et pour quel résultat ? Se faire engueuler.

Dehors, pénombre et neige. Plusieurs mètres. Il avait dormi dans le canapé cette nuit. Il se servit un autre verre tandis que Mélina renchérissait :

– Ah, tu m’énerves, je suis mariée à une couille molle !

Est-ce que les taureaux avaient les couilles dures ou molles ? Et les toréadors ? Arsène s’envoya une bonne rasade de bourbon en encaissant.

– Je t’ai demandé d’y réfléchir, Arsène ! Pas d’accepter pour pleurer ensuite. D’y réfléchir et d’assumer. « Je lui ai fait part de mon mécontentement », tu lui as envoyé un recommandé ? La blague !

Ça chauffait chez les Tapelot. La main qui tenait le verre trahissait l’homme. Il avait été bien inspiré de ne pas mettre de glaçons. Fébrile, inquiet, bousculé par sa femme, il se débattait mollement :

– C’est sa faute à lui !

– Bien sûr, de la faute de tout le monde sauf de la tienne. Tu parles de Grosdidier ou du Taps ? Non, en fait, tais-toi ! Tu chignes et tu ne fais rien. Et tu vas jusqu’à me reprocher mes conseils ou mes demandes. Oh, mais ne t’inquiète pas, certaines trouvent leur

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