[Soldats de goudron-2] Ambulance cannibale non identifiée by Serge Brussolo

[Soldats de goudron-2] Ambulance cannibale non identifiée by Serge Brussolo

Auteur:Serge Brussolo
La langue: fra
Format: mobi
Tags: SF
ISBN: 9782265058972
Éditeur: Alexandriz
Publié: 1985-01-23T12:07:29+00:00


CHAPITRE VIII

La structure de la colonne se modifiait lentement. La belle rectitude homogène du début avait fait place à un ensemble de disparités de mauvais aloi.

Si la tête de la cohorte avait toujours son aspect compact de fer de lance, le corps du convoi, lui, était gagné par un amollissement progressif qui espaçait ses rangs, détruisait l’alignement et changeait peu à peu la file de Marcheurs en une masse informe et stagnante qui débordait la chaussée, piétinait ou zigzaguait en d’inutiles louvoiements avant de s’émietter en pelotons anémiques.

Vu du ciel, le défilé évoquait l’image d’un serpent gigantesque. Un serpent gagné par une étrange maladie des vertèbres, par une dissolution anatomique qui – ayant laissé la tête et la nuque intactes – aurait désagrégé le reste du corps, lui donnant la consistance de l’éponge, pour finalement lacérer la queue en une série d’effilochures annonciatrices de dégénérescence et de pourrissement.

La colonne se fragmentait en tronçons distincts. Malgré sa fatigue, Nath s’en rendait parfaitement compte. La première section, uniquement composée de disciples et de responsables, marchait toujours d’un pas allègre. La seconde s’accrochait encore fermement sans se laisser distancer. L’effort déployé se trahissait seulement au manque d’alignement, au flottement qui régnait parfois dans les rangs, mais la masse restait stable, d’une élasticité dynamique. Cette deuxième section regroupait les jeunes et les adultes en bonne forme physique. Nath et Julie en faisaient partie… Derrière venait le début du chaos. Les épuisés, ceux qui traînaient en gémissant des membres raidis par les crampes, des pieds boursouflés de cloques ou de croûtes sanglantes, ceux qui titubaient de faim et de soif parce qu’ils avaient gaspillé leurs réserves dès les premiers jours.

— C’est la sélection, avait soupiré Julie, l’inévitable déchet. Nous ne pouvons pas les prendre en charge, mais ils ont tenté leur chance, c’est une preuve de courage. Maintenant leur rôle est de retarder les poursuivants…

— Les ambulances cannibales ? avait demandé Nath, un curieux tressaillement dans la gorge.

— Principalement, avait conclu la jeune femme, laconique.

Et ils avaient cessé de parler pour s’absorber une fois de plus dans le bruit de leurs pas. Le village apparut soudain, au détour de la route, assemblage confus de murs blancs et de toits rouges aux rues mal dessinées.

En pensant au taureau et aux camions-brasiers, l’adolescent sentit son estomac se contracter désagréablement. La colonne ralentit sensiblement, adoptant sa cadence d’approche en terrain ennemi. Rien ne bougeait. L’entrée du bourg grossissait, on distinguait à présent les détails des premières maisons, les fêlures des vitres, les volets disjoints, les inscriptions à la craie sur les murs…

Les rues étaient vides, désertes. Nath imagina les paysans embusqués derrière les meules de foin, le fusil de chasse à l’épaule, le doigt caressant le pontet. Puis un cri de soulagement fusa de la poitrine d’un éclaireur : « Ville ouverte ! Ville ouverte ! » Un frémissement d’excitation courut dans les rangs des marcheurs.

— Qu’est-ce que ça signifie ? s’enquit l’adolescent que l’incompréhension faisait trépigner.

— Ville ouverte ? s’esclaffa Julie, ça veut dire qu’ils avaient tellement peur de nous et de notre soi-disant maladie qu’ils ont préféré ficher le camp.



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