Rouge-Babine by Lili Chartrand

Auteur:Lili Chartrand
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Courte éChelle
Publié: 2012-01-12T00:00:00+00:00

3

Le fantôme du Sépulkra

Le trajet jusqu’à Padovnie se déroule dans le silence. Mécontent de sa mission de garde du corps, Jimmy boude. De mon côté, je jubile. En colibri, je le devance d’une centaine de mètres. Il doit être furieux !

Trois heures plus tard, nous survolons Lasvegrad avec ses nombreux casinos garnis de néons qui colorent le ciel. Nous ne sommes plus très loin de Padovnie, une ville que je n’ai jamais visitée. En fait, Padovnie n’était qu’un patelin sans intérêt avant l’arrivée d’Acacia Mortis. L’artiste a acheté le théâtre Sépulkra, où ses concerts sont toujours à guichets fermés. Sa venue a redonné vie et originalité au commerce local. De nombreuses boutiques gothiques, inspirées du style d’Acacia Mortis, ont poussé comme des pissenlits. Il va sans dire que les jeunes vampires de partout dans le monde ont un faible pour Padovnie.

J’aperçois enfin la petite ville. Je pique droit vers le cimetière quand Jimmy pousse un cri aigu et change de direction. Je le rejoins et nous atterrissons plutôt derrière un gros arbre, dans une rue tranquille. Dès que nous retrouvons notre apparence normale, Jimmy s’explique :

— J’ai oublié que mon copain Frankie travaillait au Sépulkra ce soir. C’est le barman de l’endroit. À pied, nous y serons dans quelques minutes.

Une petite marche pour me dérouiller les jambes n’est pas pour me déplaire. À cette heure tardive, il n’y a pas âme qui vive.

— Un humain serait fou de se promener dans le coin en pleine nuit, avec des vampires dans les parages ! ricane Jimmy en se léchant les babines.

— Tu es sérieux ? dis-je avec un frisson.

— Je rigole. À Padovnie, les vampires se tiennent tranquilles. Ce n’est pas évident, mais c’est trop chouette de vivre parmi les humains sans semer la panique.

Je comprends. Les vampires mènent souvent une vie solitaire d’un ennui mortel.

Nous arrivons enfin devant l’impressionnant théâtre entouré d’une haute grille. Le bâtiment ne manque pas de cachet. La façade est agrémentée d’une rangée de colonnes ouvragées et flanquées de gargouilles éclairées par des spots rouges. Orné de fenêtres en ogive, l’étage est couvert d’une toiture où trône une immense sculpture de chauve-souris.

À l’entrée du théâtre, un corpulent portier noir salue Jimmy.

— Kouchtar, je te présente ma petite sœur, déclare mon garde du corps en me serrant l’épaule. J’aimerais la présenter à Frankie.

L’armoire à glace nous fait signe d’entrer. Je fulmine.

— Ta petite sœur ! Et puis quoi encore ?

— Tu dois adopter un profil bas, non ? réplique Jimmy avec un sourire goguenard. Suis-moi. J’ai besoin d’un bon verre de sang frais !

Au bar, je reconnais sans peine Frankie. On dirait un clone de Jimmy. Beau garçon, habillé de cuir noir, il me fait un clin d’œil.

Je grimace un sourire. Il verse à Jimmy un verre de sang conservé dans une bouteille de jus de tomate. C’est plus discret que des poches d’hémoglobine !

J’examine les clients. Vampires ou humains, ils ont tous une allure gothique. La seule chose qui nous différencie des mortels, c’est l’aura phosphorescente qui émane de nous dès la nuit tombée.

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