Réparons le monde. Humains, animaux, nature by Corine Pelluchon

Auteur:Corine Pelluchon [Pelluchon, Corine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nature, General, Animals, Ecology, Essays, Social Science, Business & Economics, Political Science, Art
ISBN: 9782743649999
Éditeur: Rivages
Publié: 2020-03-23T23:00:00+00:00

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Écologie et cause animale : les raisons d’un mariage tardif

Mis à mort dans le vif

De son énorme vie

Perforé de part en part

Par balles et sagaies

L’éléphant gît à terre

[…] Géante la blessure

Par où le sang hurle à flots

Sa muette douleur

[…] Un géant roi vient de mourir

Ayons crainte que demain

Sa mort ne nous assiège.

André VERDET, « La mort de l’éléphant ».

Nées au début des années 1970, l’éthique environnementale et l’éthique animale ont rénové les critères de l’éthique qui se bornait, dans la tradition occidentale, aux relations entre les humains. Elles n’ont cependant jamais fusionné. Leurs différences d’objectif et d’argumentation ont même fait d’elles, pendant longtemps, des rivales, voire des adversaires.

Aujourd’hui, on constate une convergence entre l’écologie et la cause animale. La réalité du réchauffement climatique et la conscience des conséquences que la production industrielle de viande a sur l’environnement, sur la répartition des ressources alimentaires et sur la santé des personnes, expliquent cette convergence. Celle-ci est également due au fait que l’éthique environnementale et l’éthique animale, qui étaient jusqu’au début des années 2000 les principales références sur ces sujets, ont cédé la place à une interrogation plus globale sur notre habitation de la Terre qui est toujours une cohabitation avec les autres, y compris avec les animaux. L’écologie et la cause animale ont ainsi cessé d’être des îlots éthiques. De plus, elles sont toutes les deux passées de la dénonciation à la proposition, sans jamais perdre leur potentiel critique lié à la remise en question des fondements éthiques, anthropologiques et juridiques sur lesquels reposent notre organisation politique et notre économie.

Le passage de l’éthique environnementale, centrée sur la protection de la biosphère, à une philosophie remplaçant le dualisme nature/culture propre à la tradition occidentale par une réflexion sur les milieux pensés dans leur dimension écouménale, à la fois géographique et sociale, a renouvelé l’écologie. La prise en compte de la matérialité de notre existence, qui implique que l’écologie soit articulée à une réflexion sur la condition humaine, a mis au jour un sujet incarné et relationnel. Ce dernier ne saurait être conçu comme un individu hors sol, défini par la seule liberté et abstraction faite de sa dépendance à l’égard de l’environnement et des autres vivants. En outre, l’insistance sur la corporéité du sujet conduit à substituer à la conception atomiste de l’individu qui est au fondement de la théorie politique traditionnelle, un sujet incarné et relationnel. L’une des conséquences de cet enrichissement de la philosophie du sujet est que la protection de la biosphère et la prise en compte des intérêts des animaux entrent dans la définition du politique. De son côté, l’éthique animale, qui part du statut moral, voire juridique, des animaux pour dénoncer l’exploitation abusive dont ils font l’objet, a été complétée par des approches transversales de la question animale nous aidant à déterminer les règles d’une plus juste cohabitation avec eux.

C’est cette convergence entre l’écologie, pensée comme une sagesse de l’habitation de la Terre, et une approche de la question animale qui insiste sur ce que nos rapports aux animaux révèlent des fondements de notre justice, que nous nous proposons d’étudier.

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